Femina Logo

santé

Comment parler de sexualité à des ados formatés au porno

Lesadossontformatesauporno

«Il y a des jeunes qui consomment à 10 ans 3 heures de porno par jour gratuitement», constate Israël Nisand, qui souligne l'importance de traiter la consommation excessive de porno comme une véritable addiction.

© GETTY IMAGES/AMR BO SHANAB

FEMINA En matière de sexualité, qu’est-ce qui intéresse les ados en 2024?
Israël Nisand Si je devais faire un hit-parade, je commencerais par dire qu’ils ont vraiment besoin qu’on leur parle de genre et de sexualité. Ce qui les trompe, c’est quand on leur raconte - sur les réseaux sociaux notamment, qu’on peut changer de sexe. Je leur explique que personne ne peut changer de sexe génétique et biologique. En revanche, le genre, c’est-à-dire la manière dont on est considéré par les autres, on peut en changer tous les jours si on veut, et la sexualité aussi. Ils ont également besoin qu’on leur parle de la virginité. Il y a un vrai intérêt pour ça, de même que pour le consentement. Je leur rappelle que lorsqu’une fille n’a pas dit non, ça ne veut pas dire qu’elle est d’accord. Qu’une fille qui dort n’a pas dit oui. Qu’une fille qui est droguée, ça veut dire qu’elle n’a pas consenti.

Vous intervenez dans les classes depuis le début des années 90, qu’est-ce qui a changé depuis?
Au départ, les établissements scolaires ont ouvert leurs portes pour qu’on vienne y parler du sida. Il n’y avait alors que des questions sur les maladies sexuellement transmissibles.

Aujourd’hui, la nature des questions des ados a changé car ils sont tous formatés par la pornographie, sans exception.

Et les parents savent bien que si on n’éduque pas leurs enfants c’est la pornographie qui le fait à leur place.

Comment faire de la prévention face à ce formatage?
Le porno, c’est comme la drogue. C’est une addiction, et il faut le traiter comme tel. Trois sentiments très forts mis ensemble créent l’addiction: le fait d’être choqué, le fait d’être excité sexuellement et le fait de sentir l’interdit.

Il y a des jeunes qui consomment à 10 ans 3 heures de porno par jour gratuitement.

Ça fait des dégâts sur leur vie sexuelle parce que la pornographie est transgressive, et plus elle transgresse, plus elle se vend.

Les ados ne sont pas des consommateurs de porno comme les autres selon vous?
Autant un adulte est capable de prendre de la distance par rapport à ces questions et voir que c’est fait pour être vendu. Autant un ado ne l’est pas. Dans les classes, des ados me demandent «pourquoi les femmes aiment sucer le sexe des chiens?» Je réponds qu’aucune femme n’aime ça, et que celles qui le font, le font parce qu’elles ont besoin de gagner de l’argent. Selon eux, ce n’est pas vrai, parce qu’«il faut voir le bruit qu’elles font quand elles le font.»

L’image et le son, c’est du vrai pour un gamin de 13 ans. C’est plus vrai que la parole des adultes et il ne peut pas prendre de distance par rapport à ça. Ça leur fait du mal.

En tant que parents, demander à son ado s’il regarde du porno, ou du moins le mettre en garde, n’est pas une bonne idée?
C’est intrusif. Et ce n’est pas le rôle des parents d’en parler. Les parents ne peuvent pas assumer tout seuls les informations nécessaires à un ado qui entre dans sa sexualité. Et s’ils essaient de le faire, ils se feront rembarrer.

Quel est leur rôle?
Les parents ont un rôle fondamental et irremplaçable dans l’éducation à la morale. S’ils ne l’ont pas fait dans l’enfance et même avant l’adolescence, le respect de soi, de l’autre, on ne peut plus rien faire en aval. Il n’y a rien qui peut déroger à cette place essentielle des parents. Mais au moment où apparaît la puberté, la génitalité, c’est-à-dire que le regard se tourne vers d’autres objets sexuels que ses parents, on a alors l’impression qu’on va décevoir ses parents, qu’on est dans une déception amoureuse, qu’on risque de les choquer et on les préserve. Tout le monde est au courant sauf les parents à ce moment-là. Ce sont les moins bien placés.

L’aide d’un tiers est indispensable donc?
Absolument. Quand vous parlez de sexualité à votre enfant, vous levez le voile sur votre propre sexualité. C’est un truc que les enfants ne veulent pas connaître, et c’est normal.

Les parents sont là pour promouvoir l’interdit. Mais vous ne pouvez pas à la fois promouvoir l’interdit et la licence.

Ce qui ne signifie pas que les parents soient hors du jeu: ils ont préparé le terrain pour qu’une information correcte à la sexualité et à la vie affective puisse survenir de la part d’un tiers.

Dans vos interventions, vous ne consacrez «que» 10 minutes à parler de contraception et MST, c’est trop anxiogène?
Je parle dix minutes de contraception en disant que c’est la même chose que lorsque vous traversez la rue: vous regardez bien à droite et à gauche avant. Quand vous avez un rapport sexuel, pareil, parce que l’IVG, c’est bien que ça existe, mais c’est quand même une galère et on peut se l’éviter. Quand vous leur dites ça, pas besoin d’aller beaucoup plus loin dans les explications à ce sujet. Pareil pour les infections sexuellement transmissibles, qui sont rares chez les jeunes. Leur dire que lorsqu’on est avec quelqu’un qu’on ne connaît pas, on met un préservatif en plus de la contraception, c’est très vite fait. Mais ce n’est pas ça qui les intéresse.

Vous dites également que l’enjeu des cours sur la vie affective et sexuelle durant la scolarité est avant tout féministe. Pourquoi?
Sans informations, ce sont les femmes qui paient l’addition. C’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à m’investir dans ce domaine, car je me suis rendu compte que l’image des femmes se détériorait au fur et à mesure que la pornographie augmentait. Jamais un garçon n’est obligé d’aller faire une IVG.

Comment inclure les garçons dans ce processus?
Le rôle des mères est extrêmement important. Quand un garçon parle mal des femmes, je lui rappelle que d’autres hommes pourraient parler de sa mère de la même manière. Un exemple parmi les questions qu’on me pose souvent en classe: est-ce qu’on peut se tromper de trous? Tout le monde rit quand je lis la question. Mais quand je leur dis que j’ai honte que ça les fasse rire, comme si ça voulait dire qu’ils sont sortis du trou de leur mère, alors là, on ne se marre plus du tout. Si vous parlez des organes génitaux d’une femme comme de trous, ça veut dire que d’autres hommes vont parler des organes de votre maman comme ça. Donc, j’utilise beaucoup l’exemple de la mère ou de la sœur pour administrer l’obligation de respecter les femmes. Ça fonctionne très bien.

Parler sexe, comment informer nos ados, Israël Nisand, Grasset
© DR

L’éducation sexuelle en Suisse

Chaque canton romand a ses propres ressources pour parler sexualité à l’école. En général, les cours d’éducation sexuelle se font dès les petites classes (2H, voire 1H), jusqu’au post-obligatoire, en adaptant les sujets abordés en fonction de l’âge des élèves. Infos détaillées sur les programmes dédiés par canton:

Vaud: le service d’éducation sexuelle de la Fondation Profa dispense les cours dans le canton.

Genève: jusqu’au secondaire, éducation à la vie affective et à la santé sexuelle, en complément à l’éducation donnée par les parents.

Valais: le SIPE fait des interventions sur mandat du Département de l’économie et de la formation dans les classes.

Fribourg: cours d’éducation sexuelle dispensés par les formatrices en santé sexuelle du Centre fribourgeois de santé sexuelle (CFSS), dès la 1H.

Jura: l’Association jurassienne des animatrices en éducation sexuelle intervient dans les classes du canton.

Neuchâtel: c’est le GSN (Génération Sexualités Neuchâtel) qui dispense les cours d’éducation à la santé et à la sexualité dans le canton sur mandat du Service cantonal de la santé publique.


Vous avez aimé ce contenu? Abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir tous nos nouveaux articles!

Fabienne vous suggère de lire aussi:

Notre Mission

Un esprit sain dans un corps sain! Ici, on booste sa forme physique et mentale grâce à des articles bien-être, santé et cuisine! Be happy!

Icon Newsletter

Newsletter

Vous êtes à un clic de recevoir nos sélections d'articles Femina

Merci de votre inscription

Ups, l'inscription n'a pas fonctionné