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Anne-Sophie Pic: «Tenir un restaurant demande une énorme énergie»

Anne sophie pic tenir un restaurant demande une enorme energie

«Je crois que les femmes arrivent en force. Je pense qu’il y en a quelques-unes qui mériteraient plus. Ce sont des amies, je les connais et je leur dis d’être patientes parce que ça va arriver [...] - Anne-Sophie Pic

© LUC FREY

Dans le magazine Femina du 15 septembre 2024, nous avons consacré plusieurs pages à la cheffe la plus étoilée du monde, Anne-Sophie Pic, qui réouvre son restaurant, au Beau-Rivage Palace à Lausanne. Pourquoi tant d’attention? Anne-Sophie Pic tient le restaurant mère à Valence, elle ne vient pas de Suisse, mais de la Drôme, de l’Ardèche, des régions qui ressemblent aux nôtres pour la qualité de ces herbages et le tempérament de sa population. Sûr qu’on n’ira pas cantiner tous les jours dans son restaurant, aller manger chez Pic se conçoit comme un événement.

Et pourtant, cette femme est inspirante pour notre vie de tous les jours. Elle traite les gens, sa clientèle, ses équipes, avec considération. Elle considère que l’humilité est le socle sur lequel poussent la curiosité, les histoires communes, la compréhension du monde et que tous ces ingrédients mis ensemble créent l’âme d’un plat. Cette humilité, elle l’exerce aussi avec les terroirs, avec les producteurs. Nous nous sommes vues la veille de l’ouverture, il y avait plein de monde, des gens du Palace, des collaboratrices de la marque Hublot dont elle est l’ambassadrice, une lumière tendre venait du lac. Il y a quelque chose de magique chez Pic.

L'amour de la Suisse romande

Anne-Sophie Pic, vous réouvrez votre restaurant ici, au Beau Rivage Palace après des mois de fermeture. Pourquoi?
On est ravis et vraiment honorés d’être à Lausanne. Ce restaurant est le premier développement hors les murs de Valence. Ça fera quinze ans qu’on a ouvert. Le Beau Rivage nous a sollicités juste après la troisième étoile. Et depuis, on n’a cessé de progresser. J’imagine que c’est ce qui a motivé le Beau Rivage Palace à nous faire à nouveau confiance pour aller peut-être - parce que ce n’est pas nous qui décidons bien sûr – décrocher une troisième étoile à Lausanne!

Quel est votre lien avec la Suisse?
La Suisse me tient à cœur. Quand j’étais enfant, on allait souvent avec mes parents en Autriche, et on traversait la Suisse. On s’arrêtait chez nos cousins.

Des cousins suisses? Mais d’où?
J’ai des cousins à la fois Genevois et Lausannois. Une cousine lausannoise qui a fait l’École hôtelière de Lausanne. Du coup, mon père voulait que je fasse pareil. Moi, à l’époque, je voulais tout faire sauf de la restauration, évidemment. C’était normal, le côté rebelle de la jeunesse. Ça reste dans mon souvenir un point d’attache ainsi qu’un souvenir fort de mon père.

Vos premiers contacts avec la Suisse romande, racontez-nous…
Quand je suis arrivée, deux choses m’importaient. Encore mieux connaître le terroir qui s’est trouvé avoir des points de similitude avec ma Drôme natale, parce qu’il y a une richesse de plantes, beaucoup d’herbages, un côté organique. Mes origines ardéchoises et drômoises m’ont portée vers cet endroit.

Comment faites-vous pour construire ou créer ce lien avec les producteurs locaux?

À Lausanne, j’ai découvert le terroir en étant animée par l’envie de valoriser l’humain, à savoir celles et ceux qui vont révéler l’histoire d’un produit et qui vont la transmettre.

Je me souviens qu’à cette époque, je fouillais tous les articles que je pouvais trouver. Il y avait des petits livres sur tous les producteurs. Je les ai appelés moi-même, avec le chef exécutif qui m’aidait aussi à l’époque, pour aller sourcer les produits et rencontrer les gens. C’est une vraie famille aujourd’hui pour moi. Le lien qui s’est créé il y a quinze ans n’est pas du tout distendu, il se réalimente à chaque fois que je les retrouve.

Par exemple?
Niels Rodin, bien sûr. Les Rosset, ce sont mes équipes qui les appellent en ce moment parce qu’on veut relancer cette collection de poivre. Ils m’ont appris des choses et grâce à eux, la cuisine de Lausanne s’en est trouvée complètement changée.

Vous avez été bien accueillie quand vous êtes arrivée? On ne s’est pas dit: Tiens, c’est une cheffe française qui ne connaît rien et qui va amener ses châtaignes ardéchoises?
Avec les producteurs, je n’ai jamais eu de souci. Ce sont eux qui ont été les plus accueillants. Il n’y a pas eu de jugement. C’était un peu plus difficile, quand je suis arrivée au restaurant, avec certains chefs que j’avais appelés en amont pour les prévenir de mon arrivée parce que je ne voulais pas qu’ils l’apprennent par la presse. Et certains ont dit que ça n’allait pas marcher parce qu’au quotidien, «les clients ne pouvaient pas toucher la bête». Ils ont utilisé ce terme-là… quinze ans plus tard, je suis toujours là, donc c’est mal me connaître.

Terminons cette conversation sur la Suisse par le Beau Rivage. Vous êtes attachée au lieu?
Bien sûr. La majesté et l’âme du lieu m’émeuvent. Début septembre j’ai organisé un marché dans les jardins. Je l’ai fait comme une forme de reconnaissance pour les producteurs, mais aussi une façon de rendre le Palace accessible à la population, de lui dire: On peut aller acheter un kilo de pommes ou un kilo de tomates, chez monsieur Cuendet. Pour moi, c’est une forme de démocratisation. Même si dans l’imaginaire des gens, le Palace semble inaccessible, ça ne doit pas l’être dans la réalité. Et j’aimerais insister à ce propos. Je pense que c’est très nécessaire de rendre accessibles ces lieux-là, ne serait-ce que par des petites choses. C’est pour cette raison aussi qu’on propose un menu déjeuner.

Anne-Sophie Pic. © LUC FREY

Et la famille dans tout ça?

Vous avez repris le restaurant familial dans un contexte déjà dur. Votre père est décédé brutalement, votre frère, puis vous, vous en êtes occupés. Comment avez-vous vécu ces expériences?
J’ai envie de dire que ce qui ne tue pas renforce. Aujourd’hui, j’ai une forme de sérénité par rapport à ce que j’ai pu vivre. Les petits incidents du quotidien, je les relativise énormément. J’ai été une jeune fille très angoissée, dans le doute. Mais ce qui m’a sauvé, et ce qui a sauvé mon entreprise, c’est le goût pour la création. C’est ce qui nous emporte, finalement. Je dis toujours aux jeunes gens, aux jeunes filles qui commencent dans ce métier, laissez-vous porter par l’acte créatif. Je dirais aussi que faire un métier manuel est extrêmement valorisant. On essaie de rendre les gens heureux, de donner de l’émotion. Et puis, on travaille en communauté, en équipe. Il y a de belles valeurs dans ce métier.

Mais au moment où vous reprenez l’établissement familial?
Oui, ça a été extrêmement difficile.

Je peux être un peu warrior par moments, mais j’ai réussi parce que j’étais entourée d’un mari extrêmement bienveillant qui m’a portée et qui est resté dans l’ombre, pour me décharger de tout ce qui pouvait m’angoisser, et pour prendre les décisions importantes de notre vie.

Petit à petit, tout s’est construit. J’ai récupéré la troisième étoile et à partir de là, ça a été génial. Pas toujours, pas tout le temps, bien sûr.

Vous tenez une maison historique, célèbre depuis plusieurs générations, qui avait des plats signatures, vous voulez y mettre de la créativité. Comment respecter la tradition et tracer son propre chemin?
C’est une très bonne question. Parce que justement, il y a une forme d’immobilisme au début de mon côté, par peur de trahir. C’était compliqué. Il y a des gens qui n’acceptaient pas que je sois une autodidacte, la fille du patron, qui a fait des études. Donc forcément, qui n’a aucune légitimité. À cette époque, on croyait encore que si on n’a pas fait un apprentissage, on n’a pas de valeur.

Quand vous arrivez, vous ne savez vraiment rien faire? Même pas une mayonnaise?
Je ne savais pas faire grand-chose. L’été, enfant, je m’occupais avec la pâtisserie quand même, pour tuer un peu le temps, mes parents travaillaient énormément. Alors, pour le plat référence de la maison, le gratin de queues d’écrevisses, j’ai commencé à regarder, à comprendre la sauce. Je fais partie des gens qui pensent qu’il est possible de tout apprendre. J’ai appris petit à petit. Et puis, il y a des moments de révélation, des déclics. Je sais quand ils ont eu lieu: quand j’ai commencé à comprendre la chimie de la cuisine . Mais j’étais une apprentie patronne, je ne pouvais rien dire… À un moment donné, je vais quand même avoir sacrément du caractère, parce que je me suis mise à remettre en cause certaines choses. Le gratin de queues d’écrevisses, on ne le faisait plus vraiment comme mon père le faisait. On avait sabré des étapes. Donc j’ai voulu récupérer l’âme de ce gratin sans avoir mon père pour me guider, uniquement par mon intuition. Et puis, il y avait quand même les souvenirs d’enfance. Mes promenades à ramasser les champignons avec mon grand-père maternel cette fois-ci.

Encore une ascendance de gastronome?
Mon grand-père maternel était un jardinier hors pair. Cette richesse m’a porté pendant mon enfance et m’a donné le goût aussi. En outre, j’assistais à tous les déjeuners de mes parents. Chaque fois que mon père mangeait, il commentait. Donc, j’ai un rapport au goût incroyable. Né dans un restaurant, on grandit dans un restaurant. Après, pour faire de la cuisine, c’est autre chose. Il faut comprendre l’alchimie. En parallèle, je me suis intéressée techniquement à des phénomènes nouveaux qui sont arrivés à mes débuts, c’est-à-dire tout ce qui était la cuisson sous vide. Et à travers la cuisson sous vide, il y avait la cuisson à juste température. Donc, le phénomène des courbes de température sur les cuissons et sur l’alchimie.

Vous avez tout d’un coup appris, puis trouvé des nouvelles voies en fait, et d’apprentissage, et de technique, et de créativité.
Complètement. Et les associations de saveurs, c’est ça aussi. C’est-à-dire que pour moi, je commence par peu de technique, mais avec le goût. Les associations de saveurs, c’est quelque chose dont je suis très sûre. Je suis plus sûre de mon goût que de ma technique au début. Par conséquent, pour moi, la cuisine, c’est une association de saveurs. C’est pour ça qu’aujourd’hui aussi, j’ai développé ce savoir-faire que les jeunes cuisiniers viennent aussi capter.

Maintenant, est-ce que vos pairs vous acceptent? Vous avez raconté qu’ils ne sont pas venus vous voir au début?
Ça m’a longtemps perturbé cette histoire. J’en ai parlé à Pierre Gagnaire il y a quelques années. Il m’a dit: «Tu te trompes complètement, on est venus te voir!» Alors j’ai un peu changé mon fusil d’épaule. Et j’ai passé le cap, heureusement, à plus de 50 ans. Ça prend du temps. Il y a un certain nombre de chefs avec lesquels je suis amie. Ceux qui ont beaucoup de sensibilité viennent me voir parce qu’ils cultivent aussi une part de leur féminité dans leur cuisine. Ceux qui acceptent de dire que par moments, ils ont été en difficulté. Quand je m’en plaignais, c’était plus un appel à l’aide. Pour leur dire: «Venez me voir, parce que j’ai besoin aussi qu’il se crée quelque chose entre nous.»

Anne-Sophie Pic. © LUC FREY

Femme, cheffe, mère

Quelle est la place des femmes aujourd’hui dans la cuisine? Jouez-vous un rôle modèle?
Je regarde les femmes évoluer dans ce métier. Ça me fait plaisir, ça me ramène à mes plus jeunes années. J’observe leur management aussi parce que c’est la prochaine étape sur laquelle il faut vraiment que les femmes se penchent.

Il y a peu de femmes distinguées dans le Michelin…
J’en ai parlé ouvertement avec la direction du Michelin.

Je crois que les femmes arrivent en force. Je pense qu’il y en a quelques-unes qui mériteraient plus. Ce sont des amies, je les connais et je leur dis d’être patientes parce que ça va arriver et je le souhaite parce qu’il y a aussi le fait qu’un restaurant demande une énorme énergie et que si on n’est pas récompensé, on peut se décourager aussi.

Il y a des femmes brillantes et je ne voudrais pas qu’elles passent leur tour.

Être enceinte, avoir la troisième étoile. Comment avez-vous fait tout ça en même temps?
C’était à la fois une forme de sérénité parce qu’on doit prendre soin de soi quand on est enceinte et du coup, au moment des services, c’était compliqué parce que le bébé se mettait en action. Je pense qu’il sentait la nervosité, donc j’étais obligée de m’asseoir.

Est-ce qu’il se destine aussi à l’univers de la gastronomie?
Nathan a été biberonné à la cuisine, à la pâtisserie. Mais j’ai laissé faire les choses et lui a comblé cette volonté d’y venir ou pas. Je ne voulais pas qu’il se sente obligé. Parce qu’à un moment, il me disait: mais maman, après toi, s’il n’y a personne qui reprend, qu’est-ce qui va se passer? Tout petit, il a beaucoup pâtissé, plus la pâtisserie que la cuisine. Et puis il a voulu rentrer à l’Institut Paul Bocuse et ce fut une vraie révélation. Maintenant, il commence ses premiers stages. Il s’éclate vraiment. Il taille les échalotes à la vitesse grand V. Il capte beaucoup. Il a cette initiation de base qui m’a manqué. À un moment donné, il va devoir développer son propre chemin.

C’est important pour vous qu’il travaille aussi dans un restaurant?
Il faut qu’il voyage. Peut-être qu’il ouvre son propre restaurant, quelque chose de petit. Il ne faut pas qu’il soit dans l’obligation. J’y suis très attentive. Je transmets à mes équipes tous les jours, mais transmettre à son propre fils, c’est quelque chose qui est particulier. C’est à la fois merveilleux et à la fois on a peur de mal faire, de laisser trop peu d’espace.

Anne-Sophie Pic. © LUC FREY

La cuisine d'Anne-Sophie Pic

À part ça, Anne-Sophie, vous n’êtes pas un peu sorcière? ou herboriste? Avec toutes ces macérations, ces décoctions?
C’est vrai, c’était souvent les sorcières qui avaient cette connaissance-là. Ça m’intéresse parce que bien manger, c’est aussi faire du bien. J’ai toujours été sur ces équilibres, en me demandant: Qu'est-ce que je capte de la nature? Qu’est-ce qu’apporte cette plante? Je pense que les choses qui vont ensemble au niveau du goût apportent aussi des choses au niveau nutritif. Elles ne sont pas là de façon aléatoire. Il y a un chemin.

Un chemin? De la cuisine à la table?
Il y a un chemin pour le plat aussi, sur la création. C’est ce chemin que je construis avec les équipes parce que construire tout seul, ce n’est pas très intéressant. Construire à plusieurs est important pour diffuser son savoir-faire, pour amener de l’énergie au plat. Mais oui, l’imprégnation signifie qu’un dialogue se crée entre des fils invisibles qui sont tissés entre les aliments, entre les ingrédients. Et pour moi, les mettre ensemble, c’est donner vie au plat. Donc c’est vraiment comme ça que j’ai construit ma cuisine depuis le début. C’est la première note du plat. C’est pour ça que je fais des cueillettes sauvages, en particulier en Suisse.

On revient donc à la Suisse? C’est ça votre chemin?
Ça a été déterminant pour moi. Il y a 15 ans, j’ai redécouvert la cueillette sauvage grâce à la Suisse. J’ai rencontré une personne en Suisse, qui est décédée maintenant, mais qui m’a vraiment fait connaître les bourgeons de sapin, elle travaillait pour Ricola! J’ai fait une asperge Ricola à Lausanne pour cette raison. Ensuite, j’ai organisé des cueillettes de plus en plus souvent en France. Il faut y aller avec beaucoup de prudence. Je lis beaucoup d’ouvrages sur le sujet. Je m’intéresse aussi aux épices européennes, mais pas seulement. On peut être respectueuse du locavorisme et garder l’esprit d’ouverture sur le monde parce qu’on améliore nos savoir-faire, on aide ceux qui sont là-bas.

Le produit que vous aimez?
Le végétal prend une grande part des cartes. Je suis dans cette mouvance depuis longtemps. Pour moi, travailler les légumes signifie plus d’audace. Faire aimer une carotte dans un trois-étoiles, c’est plus compliqué que de faire un plat avec du caviar ou de la truffe.

Vous avez maintenant ouvert différents restaurants à Londres, à Singapour, à Dubaï. Est-ce que vous vous imprégnez des cuisines existantes?
C’est la question que je me pose chaque fois que je découvre un lieu, un terroir. L’énergie, elle vient de l’humain, donc il faut déjà construire son équipe. Parlons de Hong Kong. En général, je ne vais pas au premier voyage; c’est mon mari qui s’y rend pour vérifier la conformité du lieu, des travaux, le placement du restaurant, etc. Moi, je reste à Valence dans le cœur de ma cuisine pour réfléchir à la carte et c’est le chef qui vient passer du temps avec moi. Marc, le chef de Hong Kong, est resté pratiquement six mois sur place. Quand il est venu, il m’a amené des produits. Je lui ai dit: il faut sourcer. J’ai toujours en tête le sourcing. C’est capital. Et j’ai appris à mes chefs à sourcer. Maintenant, cette nouvelle génération y est habituée. C’est même leur ADN.

Sourcer? Qu’est-ce que ça veut dire?
Comprendre le terroir, rencontrer les personnes qui le font et connaître l’histoire du terroir. Parce qu’il y a plusieurs niveaux de compréhension dans un ingrédient. Il faut le découvrir, le goûter, le comprendre pour le travailler. Il y a aussi l’histoire racontée par celui qui le produit. On ne prend pas un produit comme ça. Si je reviens sur Hong Kong, Marc va faire ce lien avec ceux que je n’ai pas encore rencontrés. Il va m’amener le produit, il va me raconter l’histoire et ça peut déjà générer une forme d’inspiration. C’est un cheminement que j’ai voulu qu’on fasse ensemble.


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