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Disparition mystérieuse

Connie Converse, une voix fantôme du passé qui fascine

Connie converse la chanteuse fantome

Une disparition qui turlupine. Est-ce que c’est parce que Connie Converse n’a jamais réussi à attirer la lumière sur sa musique qu’elle a subitement quitté New York pour «recommencer à zéro» dans le Michigan?

© COURTESY OF KIM DEITCH - THE ESTATE OF ELISABETH CONVERSE - THE MUSICK GROUP HEROIC CITIES LLC ISTOCK - ILLUSTRATION FEMINA

Université de New York, 2004. Dans sa chambre, Dan Dzula n’en croit pas ses oreilles. Une voix féminine et envoûtante ressurgit du passé. C’est celle de Connie Converse. Une étoile filante de la chanson folk du milieu des années cinquante dont le talent n’aura jamais été reconnu. Dan, subjugué, contribuera en partie à le faire éclore en 2009 avec son pote David Herman en exhumant des enregistrements pour en faire une compilation: How Sad, How Lovely. Bingo: 16 millions d’écoutes sur Spotify.

2010, même tsunami émotionnel pour le journaliste Howard Fishman qui a vécu l’écoute de ces enregistrements comme «une intervention divine». Connie l’avait «littéralement absorbé», déclarait-il dans une interview donnée à l’occasion de la sortie de la biographie publiée douze ans plus tard sur la chanteuse (To Anyone Who Ever Asks: The Life, Music and Mystery of Connie Converse, Éd. Dutton).

Une voix fantôme du passé qui fascine. Une disparition qui turlupine. Est-ce que c’est parce que Connie n’a jamais réussi à attirer la lumière sur sa musique qu’elle a subitement quitté New York pour «recommencer à zéro» dans le Michigan? Est-ce que c’est parce que son existence n’avait plus de sens depuis qu’elle a pris la route quelques jours après ses cinquante ans? Un demi-siècle plus tard, le mystère reste entier. Howard Fishman lève ce qu’il peut du voile dans son livre dédié à Connie.

Dylan au féminin

Née électron libre et esprit doué dans une famille baptiste austère du New Hampshire, Elizabeth Eaton Converse rêve de devenir quelqu’un. À la maison, entre ses deux frères, la fillette s’essaie à l’écriture, la poésie, les arts. Elle y excelle, mais elle n’est pas studieuse. Trop de talent brut déjà pour suivre les sillons d’une scolarité étriquée.

À vingt ans, elle plaque tout pour tenter sa chance à New York. Celle qui veut devenir écrivaine s’essaie à la chanson. Folk, épurée, intime. Dans son appartement de Greenwich Village, elle bricole des enregistrements. Elle boit pas mal aussi, ne se lie pas trop à la faune locale. Ses chansons, elle les partage lors de soirées privées, entre amis, se fait payer au chapeau. De quoi vivoter.

Un passage au Morning Show sur CBS pourrait la faire remarquer? C’est raté. «Adorable, mais pas commercial», balancent alors les maisons de disques. Connie rumine. Boit davantage, se renferme. Artistiquement parlant, elle est pourtant en avance sur son temps. Trop peut-être. C’est un certain Bob Dylan qui, dans la même veine folk, se fera un nom avec son premier album en 1962, dix ans après le départ de Connie dans le Michigan.

Ellen Stekert, chanteuse américaine férue de folk, dit d’elle dans un entretien avec Howard Fishman:

«Elle était un Dylan au féminin. Elle était même meilleure que lui, comme compositrice et autrice, mais elle n’avait pas la même flamme showbiz et elle n’écrivait pas de protest songs.»

Sa musique est arrivée trop tôt, le monde n’était pas prêt.

Un leg lourd à porter

Durant ses dix ans passés à Ann Harbor, elle devient secrétaire puis écrit pour The Journal of Conflict Resolution, mais elle ne touche plus à sa guitare. Elle a conservé en revanche ses notes, ses journaux intimes, les mots de refus des maisons de disques. Un leg qu’elle laisse à son petit frère Phil avant de disparaître.

Elle écrit des lettres à sa famille et ses amis disant qu’elle allait recommencer sa vie ailleurs et qu’elle ne souhaitait pas qu’on se lance à sa recherche. En 1984, Phil engage un détective privé pour la retrouver. Sans succès. Juste avant sa mort, en 2014, il évoque le suicide probable de sa grande sœur, et une note en particulier:

«À qui le demande un jour (si je ne donne plus signe de vie). La société humaine me fascine, me fait peur, me remplit de tristesse et de joie. Je n’arrive juste pas à y trouver ma place.»

Dans sa chanson One by One, enregistrée dans sa cuisine new-yorkaise, elle évoque comment on disparaît tous un jour, et à cette écoute, on ne peut s’empêcher d’y percevoir une forme de détresse prémonitoire. Celle dans laquelle elle vivait et dans laquelle elle a laissé ses proches, dans une ignorance sur ce qu’elle est devenue, ni vivante, ni morte. Connie Converse a disparu comme elle a vécu. À la manière d’un fantôme.

Bio

3 août 1924 Naissance d’Elizabeth Eaton Converse à Laconia, dans le New Hampshire. Scolarité dans le Massachusetts. Enfance sage, mais pas studieuse.

1945 Plaque tout pour New York, où elle devient Connie. Vit et travaille à Greenwich Village, se rêve écrivaine.

1954 Passage furtif à la télé, au «Morning Show» sur CBS, sa guitare sous le bras.

1956 Premier album, Musicks.

1961 Départ pour Ann Arbor, dans le Michigan, afin de se rapprocher de son frère Phil.

Août 1974 Prend la route pour ne plus jamais réapparaître.


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