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Elina Svitolina: La championne de tennis se livre

Elina Svitolina: La championne de tennis se livre

La championne de tennis ukrainienne Elina Svitolina se dit portée par sa fille et son pays.

© STEPHANE FEUGERE

Petite fille, Elina Svitolina se rêvait joueuse de tennis. Aujourd’hui, à 29 ans, médaillée de bronze en simple aux JO de Tokyo 2020 et seize titres sur le circuit WTA en poche, en lice pour un titre à Roland-Garros (elle a quitté le tournoi le 3 juin 2024, ndlr) puis à Wimbledon et aux JO de Paris, l’Ukrainienne, ambassadrice Hublot, fait partie de l’élite mondiale. Un par… court intense qui lui a permis de voyager dans le monde entier raquette à la main – sans jamais oublier qu’elle vient d’Odessa, sur les bords de la mer Noire.

Avec gentillesse et générosité, le regard franc et direct, parfois teinté de tristesse, la jeune femme, maman d’une petite Skaï de bientôt deux ans et compagne du tennisman français Gaël Monfils, raconte son histoire, ses ambitions et ses engagements en toute simplicité.

FEMINA Vous êtes entrée sur le circuit professionnel en 2010, à 16 ans. Comment tout cela a-t-il commencé?
Elina Svitolina Quand j’avais dans les 5 ans, je pense. Mon frère Yulian, qui avait 9 ans quand je suis née, faisait du tennis. Or, lui et mes parents s’impliquaient à fond et y consacraient beaucoup de temps – ce qui fait que la petite balle jaune a pratiquement toujours fait partie de ma vie. C’est donc tout naturellement que je m’y suis aussi intéressée… Cela ne m’a pas empêchée de pratiquer d’autres sports, mais c’était tout de même ma grande passion, là où j’étais meilleure. D’ailleurs, j’ai su très vite que mon objectif était d’en faire ma vie:

Je regardais beaucoup de tournois à la télévision, Roland-Garros ou autres, et je me sentais complètement fascinée, portée et inspirée par tous ces grands joueurs de l’époque – je rêvais de faire la même chose!

Vous aviez l’envie et le talent. Et l’instinct de compétition?
Je pense qu’il s’est développé grâce à mon frère: on jouait tout le temps l’un contre l’autre et il me battait systématiquement, ce qui m’a été très difficile à vivre pendant des années! Cela dit, ma famille m’a vraiment appris à travailler pour gagner et obtenir ce que je veux.

Un travail qui a porté ses fruits, puisque vous avez très rapidement été repérée!
Je ne sais plus vraiment quand cela s’est passé, mais, en effet, j’ai été repérée très jeune par un sponsor en Ukraine, qui m’a aidée à m’établir en tant que junior d’abord, puis comme professionnelle. Ce qui n’était pas facile, car l’Ukraine n’est pas une nation de tennis et il y a donc peu de structures et de gens ayant les connaissances nécessaires si l’on veut avancer. Mais ça, mes parents m’avaient prévenue. Et ils m’avaient toujours dit qu’en tant que fille ukrainienne, je devrais travailler quatre ou cinq fois plus que les autres si je voulais réussir. C’est d’ailleurs pour cela que je mettais un point d’honneur à me donner à fond à chaque fois que j’avais l’occasion de participer à un tournoi!

Vous dites que l’Ukraine n’est pas une nation de tennis. Comment avez-vous fait, alors?
Eh bien… j’ai quitté Odessa à l’âge de 12 ans pour aller m’entraîner à Kharkiv, où il y avait une structure, puis, vers 15 ans, j’ai eu la chance de pouvoir intégrer l’Académie Justine Hénin, en Belgique. J’y ai vécu une expérience formidable et y ai été très heureuse: l’équipe a pris soin de moi et m’a donné ce dont j’avais besoin pour pouvoir devenir une professionnelle. Mais je n’ai pas oublié mes débuts pour autant – et je me bats toujours vraiment pour mes rêves et pour ce que je veux réussir!

Entre 2010 et 2021, vous êtes devenue l’une des meilleures joueuses du monde. Mais en février 2022, la Russie attaque l’Ukraine…
C’était tellement violent… et c’est arrivé quelques semaines avant que j’apprenne que j’étais enceinte. J’étais donc submergée par un maelström de sentiments différents – mais globalement, j’étais hyper choquée et très inquiète pour ma famille et mes proches qui vivaient ou vivent encore là-bas: mes parents sont partis, mais ma grand-mère, par exemple, a préféré rester à Odessa. Tout quitter et partir en exil est une problématique très complexe…

Une fois le premier choc passé, j’ai pris le temps d’essayer d’analyser la situation, de comprendre comment je pouvais être utile à mon pays, aider les gens, aider les miens. Certains jours, il est très difficile de faire face quand vous apprenez que des missiles tombent sur votre pays et votre ville d’origine – mais je me dois d’être forte et de remplir ma mission. Dans les faits, je pense exprimer clairement ma position (ndlr: elle ne serre pas la main de ses adversaires russes et biélorusses en tournoi, par exemple), je fais de la récolte de fonds en faveur de l’Ukraine et, par le biais de ma fondation (ndlr: Fondation Svitolina), j’essaie de mettre en place des projets pour soutenir des enfants afin qu’ils puissent continuer à jouer au tennis, continuer à rêver – l’idée étant de tenter d’apporter un peu de lumière et d’espoir à leurs journées.

À cette période, épuisée mentalement et enceinte, vous prenez une pause. Votre petite Skaï naît en octobre 2022 et six mois plus tard, vous êtes à nouveau sur le circuit: titre à Strasbourg, quart de finale à Roland-Garros, demi-finale à Wimbledon. Où avez-vous trouvé les ressources pour revenir si vite à votre niveau de jeu?
Vu de l’extérieur, c’est arrivé vite… mais pas assez pour moi!

Bon, après une grossesse, le corps change, la tête aussi, on ne sait pas comment on va réagir sous la pression et gérer le fait de se séparer de son bébé – c’est comme sauter en pleine mer!

Après la naissance de ma fille, je me suis donc donné du temps pour comprendre tout ce qui se passait en moi – et j’ai eu la chance d’être rapidement en bonne forme, aussi bien physiquement que mentalement. Et puis l’équipe qui m’entoure m’a aussi vraiment aidée à me retrouver et à trouver une nouvelle énergie – grâce à quoi j’ai pu obtenir de bons résultats!

Comme jeune maman, l’organisation n’est pas trop compliquée?
Jusqu’à maintenant, tout s’est bien passé. Gaël et moi avons des plannings très clairs et nous savons qui fait quoi et quand – et nous sommes aussi beaucoup aidés par nos parents et par une nounou très attentionnée. Si nous devons partir longtemps et loin, elle vient avec nous, sinon, elle reste à la maison – c’est bien qu’elle garde un rythme. Nous ne savons pas combien d’années nous allons encore jouer, mais pour l’instant, tant qu’elle est petite, nous essayons de tirer le meilleur parti de nos carrières et d’avoir de bons moments sur le terrain. Et nous verrons bien ce que l’avenir nous réserve. Une chose est sûre: c’est fabuleux de l’avoir à nos côtés, et j’espère qu’elle pourra manier une raquette et que nous saurons lui insuffler un peu de motivation: je pense qu’il est très important d’inciter les enfants à faire du sport, à s’amuser et à laisser s’exprimer leur créativité!

Skaï est donc une source de motivation pour vous – comme l’est l’Ukraine, non?
Absolument! En reprenant le chemin des courts, j’étais très consciente d’être en mission pour mon pays. Parallèlement, le fait de devenir maman, puis d’avoir pu reprendre l’entraînement, a aussi boosté ma motivation et rallumé ma passion. Un an sans compétition… Ça m’avait manqué! Mais j’avais cette nouvelle énergie en moi – c’était comme si j’étais une nouvelle personne qui commençait une carrière dans le tennis… mais avec un paquet d’expérience!

Et votre mari, Gaël Monfils?
Il est comme un mur sur lequel je peux toujours m’appuyer. Ce n’est jamais facile pour une femme de laisser son enfant et de reprendre le travail, mais il me soutient, il est là pour moi et je suis heureuse de l’avoir à mes côtés. En plus, comme il est aussi tennisman de haut niveau, il sait ce que je traverse mentalement et moralement, il comprend les hauts et les bas…

Comme vous comprenez les siens!
Oui, bien sûr! Même si nous avons une approche très différente de la vie en général et du tennis en particulier, qu’il s’agisse de l’entraînement ou de la gestion des victoires ou des défaites, nous avons beaucoup de choses et de valeurs en commun et nous nous aidons donc beaucoup mutuellement.

Votre carrière exige beaucoup de vous. Quels sont vos petits secrets pour tenir le coup?
C’est parfois un sacré défi, surtout quand on le fait depuis si longtemps ou que l’on n’a pas de très bons résultats et qu’il n’est alors pas trop facile de se lever et de se dire: «allez, j’y retourne…» Mais je dirais qu’il faut être discipliné en tout… Et puis, pour moi, il est primordial d’être mentalement fort et frais. Pour y parvenir, j’essaie de prendre des jours de congé, de me reposer, de passer du temps tranquille avec ma famille. Par ailleurs, je médite avant un match ou quand je suis très fatiguée mentalement: j’aime beaucoup la méditation guidée, elle m’aide à me concentrer, à me détendre ou à dormir quand je souffre d’un décalage horaire – c’est un outil pour m’améliorer!

Quelles sont vos ambitions pour cette saison?
Roland-Garros, Wimbledon et les JO sont très importants – et pour cela, mon ambition principale est d’abord d’être en pleine forme, aussi bien physiquement que mentalement car je sais que j’ai alors de meilleures chances de bien jouer! Mais j’attends les Jeux olympiques avec impatience!

À propos des JO… Que pensez-vous des restrictions imposées aux athlètes russes, qui ne pourront par exemple pas participer à la cérémonie d’ouverture?
Je trouve que cela ne va pas assez loin. Surtout quand je pense aux nombreux athlètes ukrainiens qui n’ont pas eu la possibilité de se préparer correctement parce que leurs bases d’entraînement ont été détruites… ou qui sont morts sur la ligne de front et n’auront donc plus jamais l’occasion de participer aux Jeux olympiques…

Bio express

1994 Elle naît le 12 septembre à Odessa, au bord de la mer Noire.

2006 À 12 ans, elle quitte Odessa pour intégrer un centre de formation tennistique à Kharkiv, au nord-est de l’Ukraine. Elle ira ensuite en Belgique puis en France pour parfaire sa formation.

2015 Elle devient la première joueuse ukrainienne à atteindre les quarts de finale du tournoi de Roland-Garros.

2018 Elle se met en couple avec le très populaire joueur français Gaël Monfils, qu’elle épouse en 2021.

2022 Enceinte et très choquée par l’invasion de son pays par la Russie, elle prend une pause. Sa fille Skaï naît en octobre. En mars 2023, elle fait un retour gagnant

2024 Elle défend les couleurs de l’Ukraine aux Jeux olympiques de Paris.

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