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Société

Interruptions naturelles de grossesses: Une expo brise le tabou

Fausses couches une expo pour briser le tabou

Les deux journalistes Kalina Anguelova et Cléa Favre ont créé l'exposition C'est quoi qui est faux? pour informer plus largement le public sur les interruptions naturelles de grossesses.

© SONIA IMSENG

Au festival littéraire Le Livre sur les quais, du 30 août au 1er septembre 2024 à Morges, on découvre toutes sortes de nouveautés, d'autrices et d'auteurs, évidemment. Mais aussi l’exposition C’est quoi qui est faux?l’Espace 81, jusqu’au 14 septembre). Imaginée par les journalistes Kalina Anguelova et Cléa Favre, l'installation rend visible la difficile réalité des interruptions naturelles de grossesses, toujours taboues dans la société.

Fin août, alors que les deux initiatrices du projet peaufinent les derniers détails, un petit groupe d’ados observe en silence les œuvres intrigantes et colorées présentées. Et lit les textes informatifs et descriptifs qui, tous, abordent les problématiques liées aux interruptions naturelles de grossesses.

Parcours de combattantes

Dès le début de ce cheminement, une remise en question: pourquoi parler de fausse couche? Qu’est-ce qui est «faux» dans cette épreuve que vit une femme sur quatre? «Vous allez pouvoir ressentir ce qu’endurent ces estropié-e-s de la parentalité», prévient le premier panneau. Les textes - qui s’adressent directement au public et n’hésitent pas à recourir à l’humour noir - invitent à vivre le véritable parcours de combattantes des femmes touchées par les interruptions naturelles de grossesses, donnant des informations clés sur le sujet.

© SONIA IMSENG

Puis, l'on découvre avec intérêt de grandes peintures, des photos et une sculpture en bois, réalisée par le père de Kalina, Ivan Anguelova. Les informations dénoncent une situation politique insuffisamment attentive aux besoins des femmes et des couples concernés par les interruptions de grossesses. Les frais médicaux liés aux grossesses ne sont pris en charge à 100% par l’assurance de base qu’à partir de la 13e semaine. En cas de problèmes lors du premier trimestre, cette aide n’est pas disponible. Heureusement, le parlement s’est penché sur la question et la loi devrait changer.

On en apprend aussi davantage sur les deux techniques médicales pratiquées en cas d'interruption naturelle de grossesse et qui n’ont rien d’anecdotiques. Entre le sang qui coule abondamment, la douleur qui peut durer des semaines et les risques encourus en vue d'une future grossesse, il semble urgent que la recherche médicale se focalise davantage sur ce que vivent tant de femmes.

«Avec cette expo, on voulait informer un public plus large que les personnes directement concernées. De fausses croyances continuent de circuler autour de cette thématique et il y a besoin d’une prise de conscience collective, car c’est une épreuve que les femmes traversent souvent dans la solitude, la honte et la culpabilité», explique Cléa Favre, co-créatrice du projet et journaliste radio à la RTS.

«Il est très important de dire que les femmes ne sont absolument pas responsables. Et que le nombre de semaines importe peu vis-à-vis de la souffrance endurée. On peut à tout moment s’être déjà projetée intensément dans cette nouvelle vie.»

Première expérience

Avant cette aventure artistique, les deux journalistes ont publié en 2022 Ça sera pour la prochaine fois (Éd. Favre), qui revient sur les deux interruptions naturelles de grossesses vécues par Cléa Favre.

Pourtant, quand elles ont été contactées par Le Livre sur les quais en mai 2024 pour prolonger le projet sous une nouvelle forme, les deux amies ont voulu repartir de zéro. «Tout était assez concret dans le livre. Ici, on a voulu montrer les choses de manière plus abstraites», précise Cléa. «Il ne suffisait pas de prendre des pages du livre et de les mettre aux murs. Il fallait tout recommencer», ajoute Kalina Anguelova, co-créatrice de l'exposition.

Pour cette première expérience artistique, la Morgienne a imaginé tous les supports créatifs exposés:

«Nous avons isolé la solitude, la douleur, le sentiment d’isolement, d’enfermement, de tristesse, d’impasse pour en faire les moments clefs de l’expo et construit la scénographie du parcours au fil de ces moments. Il était important pour moi que chaque visiteur-euse ait de la place pour son propre ressenti».

Kalina Anguelova s’est inspirée de plusieurs peintres, comme Kandinsky, Miró. Ou encore Frida Kahlo. «Je l’admire énormément, parce qu’elle est une des premières artistes à avoir peint la violence de la douleur d’une femme qui perd son bébé».

Avant de quitter la première salle, on s’approche de deux baladeurs audio où l’on peut entendre, avec émoi, des passages du livre Ça sera pour la prochaine fois, lus par Cléa Favre. Elle y évoque son histoire et le moment fatidique où - en pleines vacances - elle a dû expulser le fœtus mort qui se trouvait encore en elle.

Remarques blessantes et culpabilisantes

Après avoir compris avec effroi à quel point affronter une telle épreuve peut être difficile et bouleversante, la dernière structure nous confronte aux remarques blessantes auxquelles les personnes concernées par des fausses couches se heurtent: placés entre deux miroirs, des hauts-parleurs diffusent ces mots très durs, accompagnés de musique. Des phrases qui font «tout sauf aider», note Cléa Favre. Culpabilisantes, elles pointent le fait d'avoir été «trop stressée ces derniers jours», avoir «trop travaillé», ou encore avoir fait «trop de sport», et «porté quelque chose de lourd».

Puis vient la fin de l’exposition, une immersion intense au cœur des émotions que l’on traverse lors de cette épreuve de vie difficile. Parmi le groupe d'ados, un jeune homme exprime ce même ressenti et dit avoir été «sensibilisé» au sujet «sans être directement concerné». Mission réussie pour Kalina Anguelova et Cléa Favre: leur projet contribue largement à briser le tabou qui entoure les interruptions naturelles de grossesses.

Table ronde: 4 septembre 2024, 18 h, Grenier Bernois, café-partage: 7 septembre 2024, 10 h 30, Grenier Bernois, visites guidées: du 30 août au 1 septembre 2024, 15 h 30. Cléa Favre et Kalina Angelova seront aussi présentes pour des dédicaces durant Le livre sur les quais. Plus d’informations


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