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Politique américaine

Kamala Harris, la première présidente des États-Unis?

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Kamala Harris saura-t-elle convaincre l'Amérique? Réponse le 5 novembre 2024.

© GETTY IMAGES/ANDREW HARNIK

Élue le 5 novembre 2024, la Démocrate Kamala Harris deviendrait la première présidentE à gouverner les États-Unis. Mais l’Amérique est-elle prête à confier les clés de la Maison-Blanche à une femme, et de couleur de surcroît? Sur quels atouts peut-elle compter et quels pièges doit-elle éviter? Éclairage d’Amy Greene, politologue américaine et enseignante à Sciences Po Paris.

La Kamalamania peut-elle durer?

Depuis l’annonce de sa candidature à la présidentielle, à la suite du retrait de Joe Biden le 21 juillet dernier, Kamala Harris fait souffler «un vent d’enthousiasme, voire de joie dans les rangs démocrates», note Amy Greene. Elle a enclenché une dynamique positive à laquelle les dirigeants de son parti n’osaient plus rêver et qui se traduit par une remobilisation de l’électorat. En témoignent par exemple l’inscription de près de 200’000 nouveaux bénévoles de campagne, une remontée spectaculaire dans les sondages (elle est même créditée d’une très légère avance sur Donald Trump) ou encore des levées de fonds record – avec quelque 200 millions de dollars en dix jours, malgré les sabotages protrumpistes d’Elon Musk sur X.

Bref, la course semble bien lancée pour Kamala Harris. Si bien, même, que de nombreux sites de paris en ligne misent désormais sur sa victoire plutôt que sur celle de Trump. Lequel doit sourire orange en se souvenant qu’il assurait, il y a peu, que la vice-présidente serait «plus facile à battre que Joe Biden ne l’aurait été»… Cela dit, il reste septante-huit jours avant le verdict des urnes et rien n’est joué, relativise la politologue.

Pourquoi a-t-elle été une vice-présidente si discrète?

Sa discrétion comme vice-présidente lui a été - et lui est toujours! - beaucoup reprochée. Or, elle est d’une certaine manière normale, souligne Amy Greene: «C’est son rôle de rester dans l’ombre et de suivre loyalement la ligne présidentielle et c’est exactement ce qu’elle a fait. Au risque néanmoins de rester trop en retrait.

«Mais elle n’est pas restée inactive pour autant: Joe Biden lui a confié des dossiers compliqués comme l’immigration clandestine à la frontière sud dont le bilan est critiqué comme inefficace, ou encore les questions liées à la défense de l'avortement - un sujet qui a valu des succès électoraux aux Démocrates.»

Elle ajoute: «De plus, le Président l’a mandatée à plusieurs reprises pour représenter les États-Unis à des conférences et sommets internationaux qui complètent une expérience acquise en tant que sénatrice sur des sujets de sécurité nationale.»

Comment peut-elle convaincre les sceptiques?

Par dépit ou par méfiance, d’innombrables Américaines et Américains ne votent pas. Kamala Harris peut-elle espérer trouver des voix dans ce terreau défavorable et si oui, comment? En se faisant soutenir à 100% par son parti et par les grands syndicats mais surtout en se faisant connaître et reconnaître:

«Elle peut y parvenir grâce au soutien de personnalités médiatiques et populaires comme la championne olympique Simone Biles ou Barack Obama mais surtout, surtout en allant sur le terrain à la rencontre des électrices et des électeurs, leur présentant sa vision de la société et leur montrant qui elle est»,

indique Amy Greene. À savoir une politicienne chaleureuse et charismatique qui veut mener des réformes sociales et redonner confiance à l’Amérique.

Et quid des réseaux sociaux? Ils sont évidemment indispensables et, pour l’heure, beaucoup de jeunes se rassemblent autour du fameux «Brat», associé à l'album de Charli XCX, ou de l’émoji «noix de coco», qui fait référence à un discours de Kamala Harris sur l'égalité des chances. Cela les mènera-t-il au bureau de vote? On l’espère!

Son genre est-il un handicap?

Quand Donald Trump parade en 2016 et balance des phrases du type: «Les femmes, je les attrape par la chatte!», l’Amérique profonde et patriarcale ne s’offusque pas. Au contraire. Mais depuis, #MeToo est passé par là, les mentalités ont donc possiblement évolué. D’ailleurs, pour Amy Greene, le genre n’est plus «le» point capital: «Cela va bien entendu entrer en jeu - son élection éventuelle serait une première dans l’histoire américaine. Mais je pense que l’Amérique est surtout en train de décider entre les visions Harris vs Trump et le fait qu'elle soit une femme n’est pas nécessairement la préoccupation principale des électeurs vis-à-vis de sa candidature.»

Défend-elle un programme féministe?

Fille d’une Indienne ardente militante pour les droits civiques et d’un père jamaïcain, Kamala Harris, née en Californie en 1964, a pris très tôt fait et cause pour la communauté afro-américaine à laquelle elle se sent appartenir et a été façonnée par le combat féministe. Son programme, sans doute dévoilé lors de la Convention démocrate qui se tient du 19 au 22 août, sera-t-il imprégné de ces engagements de toujours? Sans doute - même s’il ne faut pas s’attendre à une révolution, tempère Amy Greene:

«Tout porte à croire qu’elle adoptera une position démocrate assez classique, qu’il s’agisse de politique intérieure ou internationale, mais elle y apportera forcément sa touche et des nuances qui la distingueront de Joe Biden. À ce stade, des éléments plus précis sont très attendus.»

Dans les faits, comme procureure générale de Californie et sénatrice d’abord puis à la vice-présidence ensuite, elle a affirmé des convictions fortes contre la peine de mort et la violence armée mais pour l’éducation des Afro-Américains. En outre, elle a fait du droit à l’avortement son cheval de bataille et a promis de se «battre pour les droits reproductifs» coûte que coûte. Et Amy Greene de préciser: «Nous ne retournerons jamais en arrière! reste une formule qu’on entend à répétition dans de ses prises de parole publiques.»


Kamala Harris avec son mari et ses beaux-enfants
Kamala Harris avec son mari et ses beaux-enfants qui l'appellent Momala. © INSTAGRAM KAMALA HARRIS

Son mari est-il un atout?

«Aux États-Unis, le couple présidentiel est une véritable unité - il suffit de regarder Michelle et Barack Obama! - et l’épouse ou l’époux peut jouer un rôle important, explique Amy Greene. Donc, oui, effectivement, Douglas Emhoff peut être un atout - et ce d’autant plus qu’il a le sens de la répartie. Il va pouvoir “humaniser” la figure politique qu’incarne sa femme, montrer leur complicité et mettre en scène leur famille… recomposée, ce qui est plutôt nouveau inhabituel pour des couples présidentiels, même si ce modèle est devenu plus courant dans la société. Au fond, dans leur histoire, on voit une femme indépendante qui mène sa vie et sa carrière tambour battant, se marie autour de ses 50 ans et intègre alors un clan qui devient le sien.»

«Ses beaux-enfants l’appellent Momala et l’ex-femme de son mari se dit fière de co-parenter avec elle - Kamala Harris a leur soutien inconditionnel. Les choix de vie de la candidate et ce modèle moderne se rapprochent de plus en plus de la réalité d’un grand nombre d’Américains.»

Que penser de son colistier, Tim Walz?

Pour Amy Greene, choisir Tim Walz comme colistier est un acte politique «très malin». De fait, dit-elle, le gouverneur du Minnesota va lui permettre de ratisser plus large et d’aller chercher un électorat qu’elle pourrait avoir eu du mal à toucher: «Pour de nombreuses personnes, elle est une urbaine intellectuelle, libérale et progressiste de Californie et fait partie d'une élite aisée dont il faut se méfier. Tim Walz, c’est le contraire: il est vu comme un élu de proximité qui a un bilan politique à l’échelle de son État, mais qui connaît les enjeux et les attentes des électrices et électeurs de sa région. On le décrit comme un homme normal, sans salaire exorbitant, un franc-parleur qui a le sens de la formule - des éléments qui peuvent pourraient faire qu’une partie l’Amérique rurale s’identifie à lui. Ils se complètent donc très bien de ce point de vue.»

Comment peut-elle tenir tête à Trump?

On le sait, Donald Trump frappe tous azimuts quand il s’agit de décrédibiliser ses opposants. Mais ses bombinettes ne font pas mouche: «Les Démocrates ont désormais adopté une stratégie de dérision, affirme Amy Greene, et traitent les attaques avec un humour qu’on peut presque qualifier de cour de récré!»

«C’est une stratégie pour essayer de minimiser la place et l’importance qu’occupe Donald Trump dans l’espace médiatique.»

Quant au débat du 10 septembre, que l’on sait être une échéance cruciale, Kamala Harris ne le craint apparemment pas plus que ça et déclarait même récemment: «J'ai été procureure et, dans ce cadre, j'ai fait face à des criminels de tout genre. Des prédateurs sexuels qui maltraitaient les femmes, des fraudeurs qui ont arnaqué les consommateurs, des tricheurs qui ont enfreint la loi pour leur profit personnel. Alors, croyez-moi quand je vous dis que je connais le type de personne qu'est Donald Trump» Peut-on lui faire confiance et ne risque-t-elle pas de se laisser piéger dans le jeu trumpiste? «Je pense qu’elle se montrera calme mais tenace en essayant de le coincer dans ses contradictions et de montrer qu’il incarne un désordre dont l'Amérique devrait tourner la page tout en démontrant qu'elle est capable d’emmener le pays vers l’avant», commente la politologue.

Une femme de grandes premières

Déterminée, la démocrate compte donc (enfin!) crever le plafond de verre - un combat qu’elle a d’ailleurs déjà mené avec succès sur d’autres terrains: après deux mandats de procureure à San Francisco (2004-2011), elle a été élue, deux fois, procureurE généralE de Californie (2011-2017) devenant alors la première femme, mais aussi la première personne de couleur, à diriger les services judiciaires de l’État le plus peuplé du pays. En 2017, la Californie l’envoie au Sénat, où elle est la deuxième afro-américaine à siéger. Puis, en 2020, elle est nommée vice-présidente, là encore du jamais vu. Parviendra-t-elle à être la première présidente de l’histoire américaine?


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