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L'édito de Géraldine Savary: «Montrez ces larmes que je ne saurais voir»

Edito Geraldine Savary redactrice en chef Femina

«Je me suis aussi souvenue qu’une ancienne députée du parlement fédéral avait obtenu 2 milliards de francs pour un tunnel en fondant en larmes pendant les travaux de commission.»

© ELSA GUILLET

Récemment, j’animais une réunion de rédaction, puis tout est parti en sucette, il y avait des absentes, des malades, bref, tout le monde se sentait surchargé, le ton est monté, puis un peu plus tard les larmes, discrètes mais visibles néanmoins. Ces montées d’émotion dans les séances vulnérabilisent toute une équipe, ai-je pensé, le soir en rentrant chez moi. Celle qui dirige et qui se sent nulle et à nu (ma pomme) et plus encore celles et ceux qui y assistent et qui se demandent si, sur eux, l’ondée va tomber.

En même temps, je me suis aussi souvenue qu’une ancienne députée du parlement fédéral avait obtenu 2 milliards de francs pour un tunnel en fondant en larmes pendant les travaux de commission. Ses collègues masculins étaient si démunis face à cette émotivité qu’ils lui avaient donné ce qu’elle voulait (tout en précisant plus tard au café qu’elle avait sans doute les hormones sensibles). Dans ce cas précis, quelques minutes lacrymales ont été plus efficaces que 1000 arguments techniques. Le canton en question (dont je tairai le nom) ne peut que s’en féliciter.

Des moments difficiles

D’où ma question: est-il possible de pleurer au travail? De prime abord, je conseillerais d’y renoncer. Dans notre société, les larmes restent un signe de non-professionnalisme, une faiblesse qui soudain se dévoile, un manque de maîtrise. Les vrai-e-s chef-fe-s ne pleurent jamais, les bons employé-e-s acceptent les critiques et la pression sans rechigner. Pour les femmes, l’injonction à se draper dans le stoïcisme est encore plus évidente. Il s’agit, pour nous qui dès l’enfance apprenons à exprimer des émotions positives (empathie, gentillesse) à abandonner ce qui définit socialement notre genre. Serrer les dents, offrir un visage et une attitude invariablement calmes, asseoir son autorité et son expertise en masquant ses sentiments.

Puis, à y réfléchir, je me dis aussi que les larmes donnent une information. Elles montrent que dans les équipes et les rapports hiérarchiques il y a des personnes, qui marquent le pas, qui doutent, qui sont fatiguées, qui ploient sous la charge, qui traversent peut-être des moments difficiles à la maison et qui osent montrer, en public, à leurs collègues, leur fragilité, qui exposent leur sincérité. Comme la pluie qui, après l’orage, lave les sols et rafraîchit un air pesant, quelques larmes partagées libèrent, sur un lieu de travail, un peu d’humanité. Allez, vous avez le droit de pleurer.


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