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Mafalda: Un collectif d'autrices lui redonne vie dans un livre

Mafalda un collectif dautrices lui redonne vie en 2024 dans un ouvrage

Pénélope Bagieu a réalisé sa version de Mafalda en couverture du livre Mafalda, mon héroïne (Éd. Glénat), conçu par un collectif d’autrices et de dessinatrices qui ressuscitent la petite héroïne en 2024.

© EDITIONS GLENAT/SUCESORES DE JOAQUIN S. LAVADO (QUINO) A - PENELOPE BAGIEU - TONY TRICHANH - FRANCESCA MONTOVANI - DAVID ATLAN - DR - ILLUSTRATION FEMINA

On a toutes et tous quelque chose en nous de Mafalda. En proie à ses questions existentielles face à son globe terrestre, cette petite fille qui refait le monde est une héroïne de bande dessinée sur qui le temps n’a pas de prise. Pourtant, son «papa», le dessinateur argentin Quino, a cessé de la dessiner en 1973. Aujourd’hui, Mafalda a 60 ans. Et toujours cette frimousse craquante, capable de se fendre du plus large des sourires, comme des coups de gueule les plus tonitruants contre les injustices de l’humanité. Dès ses débuts, Mafalda ne décolère pas d’observer sa maman trimer du matin au soir dans ses tâches domestiques, tandis que son papa s’affale dans son fauteuil, camouflé derrière son journal, dès qu’il rentre du boulot. Marre (déjà!) de cette société patriarcale qui régit le monde des adultes sans aucune équité entre les hommes et les femmes.

Un anniversaire en grande pompe

Pour ses 60 ans, Mafalda s’offre un nouvel ouvrage, au sein duquel un collectif de 13 autrices - 14 en réalité, souligne Valérie Aubin, directrice éditoriale chez Glénat et responsable de l’ouvrage hommage Mafalda, Mon héroïne - lui rendent hommage en la transposant dans notre ère: celle des réseaux sociaux, du réchauffement climatique, de nos vies réduites dans des smartphones. Chacune dans son univers propre, les autrices et dessinatrices démontrent que s’il existe toujours autant de raisons de garder l’espoir d’un monde meilleur, notre civilisation n’a malheureusement pas beaucoup évolué depuis les premiers pas de Mafalda dans l’Argentine des années 60. Le recueil est à la hauteur de la pertinence de l’originale, qui à n’en pas douter serait séduite de découvrir ses aventures en 2024.

«Dans le cadre de son anniversaire, la présidente des éditions Glénat, Marion Glénat, et moi-même, souhaitions remettre Mafalda en avant, déclare la directrice éditoriale. Jusqu’ici, il n’existait d’elle que ce que Quino avait dessiné de 1964 à 1973. L’idée est venue de créer ce collectif pour une création à 100%. Un projet aussi astucieux qu’ambitieux, qui a nécessité une étroite concertation avec l’agent qui représente Quino depuis son décès en 2020.»

«Mafalda, mon héroïne» saura provoquer quelques fous rires à ses fans de la première heure. Mieux, ancrées dans les préoccupations du monde actuel, les différentes histoires sauront la faire découvrir à d’autres générations. © EDITIONS GLENAT/SUCESORES DE JOAQUIN. S. LAVADO (QUINO)

Une héroïne en avance sur son temps

L’ouvrage est inspiré par le documentaire Mafalda, reviens! réalisé par Lucia Sanchez en 2023. C’est d’ailleurs la réalisatrice qui a rédigé la préface du livre. «Au travers d’images d’archives et animées, le film s’articule autour des questions suivantes: que s’est-il passé depuis que Quino a arrêté de dessiner Mafalda? Et que dirait Mafalda si elle revenait au monde aujourd’hui? éclaire Valérie Aubin. Quand j’ai envoyé le livre à Lucia, elle a réagi très positivement en observant que chacune des artistes a réussi à garder l’esprit et l’âme du personnage.»

Comme toutes les superstars de BD, Mafalda est reconnaissable partout dans le monde au premier coup de crayon avec son nœud dans les cheveux et sa petite robe rouge. À l’instar de Snoopy et les Peanuts, Mafalda est elle aussi entourée d’une clique de garnements aux caractères bien trempés. Une façon brillante pour Quino de filer la métaphore de la société argentine des années 60, ses travers et ses courants politiques de l’époque, à l’échelle de la rue au sein d’une bande d’enfants.

Une bande d’amis

Autour de Mafalda qui rêve d’un monde meilleur, on retrouve Felipe, son meilleur ami qui se fantasme en cow-boy. En commun, Felipe et Mafalda partagent une ultrasensibilité et sont sujets aux vagues à l’âme. Manolito quant à lui est le fils d’un épicier émigré d’Espagne. Il voit les choses en grand et s’imagine déjà à la tête d’une grande fortune. C’est le capitaliste du groupe. Assurant de joyeux fous rires aux lectrices féministes de Mafalda, Susanita est son exact opposé. Elle se projette dans un futur bien mariée et mère au foyer, son modèle de réussite. Susanita est également une vraie pipelette. Miguelito est l’anarchiste de droite de la bande, il se destine à devenir écrivain et estime que Mussolini était un bienfaiteur de l’humanité.

En face, on retrouve Libertad qui crie haut et fort ses opinions d’extrême gauche. Enfin, Guille, petit frère de Mafalda, fantasme sur Brigitte Bardot. Quelle que soit l’époque, s’il existe bien un endroit où l’on se sent en sécurité au milieu des pires tourments, c’est entouré des amis. Ce ne sont pas Phoebe, Monica, Rachel, Joey, Chandler et Ross qui diront le contraire!

Dans ses nouvelles aventures, Mafalda découvre les enjeux du monde contemporain, comme le réchauffement climatique. © DR

Agathe de Lastic: «Mafalda ne vieillit pas et est universelle»

Agathe de Lastic. © DAVID ATLAN

Je me souviens de ma découverte de Mafalda, c’était lors de mon cours d’espagnol vers 11 ans. À cet âge-là, je ne comprenais pas son humour et n’avais pas accroché. Durant cette période, j’étais plus fascinée par les actrices et chanteuses hyperféminines et sexualisées, souvent américaines, aux brushings ridicules qui me faisaient rêver. Autant dire, à mille lieues de l’apparence de Mafalda et des idées pour ou contre lesquelles elle luttait! Madonna et Farrah Fawcett me faisaient plus rêver qu’elle. À ce titre, je pense que Mafalda s’adresse davantage à un public adulte. Je l’ai donc redécouverte plus tard et j’ai trouvé le concept de Quino génial. Quelle excellente idée de mettre en scène une petite fille dont la pertinence des questions révèle l’absurdité, l’égoïsme et la violence de nos sociétés dirigées par les adultes. Par ce biais, Quino nous pousse à réfléchir, à nous remettre en question. Il s’amuse à jouer de notre culpabilité. C’est incroyable de constater à quel point les sujets abordés sont universels et intemporels.

Les combats de Mafalda sont toujours autant d’actualité, soixante ans après. Elle ne vieillit pas et parle à tout le monde. Je l’ai parfois trouvée un peu casse-pieds comme enfant, limite arrogante. Elle me donnait envie de lui dire de se taire et de filer dans sa chambre. Car Mafalda nous met face à nos responsabilités et ses questions nous poussent dans nos retranchements. Mais au fond, c’est elle qui a raison! Aujourd’hui, je la vois comme un Socrate en jupette. Celle qui titille notre mauvaise conscience. Celle qui soulève le tapis pour nous mettre le nez dans la poussière qu’on souhaiterait cacher.

Soledad Bravi: «J’aimais sa tête en forme de poire!»

Soledad Bravi. © DR

En Espagne, petite, je ne comprenais rien, mais j’aimais beaucoup sa tête en forme de poire! C’est en lisant l’intégrale que j’ai compris la pertinence de faire parler un enfant pour révéler l’absurdité des adultes. Les bandes dessinées de Mafalda demeurent à ce jour un outil incroyable pour combattre les inégalités.

Emilie Gleason: «Elle avait tout le temps l’air de se plaindre»

Emilie Gleason. © TONY TRICHANH

J’ai l’aubaine d’avoir grandi dans une maison hispanophone. Une seule ombre au tableau: ma mère était professeure d’espagnol en secondaire. Mafalda m’est apparue sous forme de commentaire d’images et j’avais, à l’époque, beaucoup de mal à comprendre la politique argentine. Je n’aimais pas le fait qu’elle ait tout le temps l’air de se plaindre! En parallèle, les recueils de dessins de presse de Quino ont eu un énorme impact sur mon travail graphique, d’une part par la poésie de son humour muet, d’autre part par la finesse de son trait. Je les recopiais dans mes carnets au collège. Quand Glénat m’a proposé de participer à l’aventure, j’ai sauté au plafond. C’était l’occasion de me réconcilier avec elle. Là encore, une seule ombre au tableau: je ne comprends toujours rien en politique étrangère! Je me suis imprégnée de son répondant incisif, de sa révolte justifiée et de sa maturité en lisant l’intégrale.

Mafalda est incroyable dans son engagement contre le capitalisme, le patriarcat et le soft power étasunien. Elle brille d’autant plus entourée de ses camarades. Pour mon histoire, j’ai voulu faire honneur à sa tortue Bureaucratie via la thématique de la cause animale. C’est à ce jour, la conviction qui m’anime le plus, et qui de mieux que la légendaire Mafalda pour porter cette révolution?

Marie Bardiaux-Vaïente: «Comme elle, j’étais une solitaire intéressée par la politique»

Marie Bardiaux-Vaïente. © FRANCESCA MANTOVANI

Contrairement à d’autres qui l’ont découverte plus tard, j’ai découvert Mafalda quand j’étais enfant. Je l’ai beaucoup lue à la bibliothèque. Je ne comprenais pas tout, mais je ressentais un écho à mes propres ressentis. Je me disais: il y a une autre petite fille qui a les mêmes préoccupations que moi. Il y avait quelque chose de sonore entre elle et moi, sur ses intérêts par rapport au monde des grandes personnes. Il y avait un effet miroir, car j’étais comme elle, une petite fille solitaire qui s’intéressait déjà beaucoup aux choses de grandes personnes. Comme elle, je me posais beaucoup de questions politiques.

Évidemment, je ne comprenais pas tout à 9 ans, mais je l’ai lue et relue au cours des décennies. Aujourd’hui, je la trouve universelle et intemporelle. Ce qui m’intéresse dans ce projet, c’est la transmission. On s’est toutes emparées de Mafalda, trois générations d’autrices. Je trouve assez formidable de se demander ce qu’elle dit de nous.

Florence Dupré la Tour: «Sa rébellion me rappelait mon propre caractère»

Florence Dupré la Tour. © DR

J’ai découvert Mafalda très jeune, lorsque nous habitions en Argentine avec mes parents. Ma mère avait acheté des petits recueils au format horizontal. Je me souviens de les avoir lus avidement et de suivre les mésaventures des personnages, en espagnol, sans forcément tout comprendre. Mais je me suis immédiatement retrouvée dans le personnage de Mafalda. Sa rébellion me rappelait mon propre caractère. C’est un personnage iconique, toujours furieusement d’actualité et qui ne vieillit pas.

Florence Dupré la Tour se remémore ses premiers souvenirs de Mafalda. Abasourdie par le monde infernal qu’elle découvre aux côtés de la scénariste et dessinatrice, Mafalda garde espoir malgré tout. © DR


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