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Mieux prévoir sa retraite, c’est possible

Mieux prevoir sa retraite cest possible MADAME MARILOU 3

«Les mamans sont particulièrement touchées car elles ont des emplois à temps partiel ou ont arrêté leur activité pendant un certain temps.» - Judith Granat, directrice marketing, conseil et communication à Retraites Populaires

© MADAME MARILOU

La retraite idéale est propre à chacune et chacun: voyages, farniente, garde des petits-enfants… Quelle que soit la façon dont l’on souhaite passer ses vieux jours, une chose est indispensable à tout le monde: l’argent. Malheureusement, les femmes se retrouvent souvent avec des rentes insuffisantes, faute d’avoir cotisé en continu au 1er pilier qu’est l’AVS. Certaines n’ont pas de 2e pilier (à savoir la prévoyance professionnelle obligatoire alimentée par les cotisations, à parts égales, des employeurs et des employés) alors que d’autres en ont un assez maigre, conséquence d’une activité professionnelle à temps partiel.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes: en 2022, près de 60% des femmes actives en Suisse travaillaient à temps partiel, alors que les hommes n’étaient que 18%. Cette différence se traduit évidemment par des revenus plus faibles pour les femmes, mais aussi des rentes bien plus basses à la retraite. «Au niveau des rentes AVS, on constate que la différence entre femmes et hommes est assez faible, explique Judith Granat, directrice marketing, conseil et communication à Retraites Populaires, à Lausanne. Cette faible différence s’explique, entre autres, par la compensation accordée aux mères qui ont réduit leur temps de travail pour s’occuper des tâches éducatives ou en raison des bonifications accordées aux proches aidants ainsi qu’à la solidarité entre conjoints mariés.

En effet, le conjoint qui travaille cotise pour celui qui ne travaille pas et le partage des cotisations se fait au moment de la retraite. En revanche, la différence est notable au niveau du 2e pilier. En 2021, selon l’Office fédéral de la statistique, les femmes touchaient une rente moyenne inférieure aux hommes de près de 39%. Les mamans sont particulièrement touchées car elles ont des emplois à temps partiel ou ont arrêté leur activité pendant un certain temps.»

Et de fait, les personnes dont le salaire annuel est inférieur à 22’000 francs ne cotisent pas à la LPP. «Contrairement à l’AVS, qui repose sur un système solidaire et étatique, la LPP est directement basée sur le salaire de l’employé, explique Silvia Basaglia, responsable du secteur financement de la prévoyance professionnelle de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). Pour recevoir une bonne rente, il faut avoir gagné suffisamment pour être affilié à une caisse de pension et avoir cotisé en continu.»

Les femmes qui travaillent à temps partiel sont donc défavorisées à plus d’un titre: d’une part, elles n’ont pas ou que peu d’avoirs sur leur 2e pilier, d’autre part elles n’arrivent pas forcément à constituer un 3e pilier. «Le 3e pilier A est un capital d’épargne qui est déductible du revenu imposable. C’est donc très intéressant pour les personnes qui le peuvent d’y verser une petite épargne, même si le montant est en dessous du maximum prévu par la loi», précise Judith Granat.

Réforme en cours

Lorsque l’on regarde les rentes moyennes globales versées à la retraite (en prenant en compte les trois piliers), l’écart entre celles des femmes et celles des hommes reste très important et s’élève à 37%.

Les choses pourraient toutefois changer, car une réforme de la LPP est à bout touchant. Elle porte, entre autres, sur deux axes importants concernant les bas salaires. Les propositions discutées au parlement sont d’abaisser à environ 17’000 francs de revenu annuel le seuil au-dessus duquel il est obligatoire de cotiser à la LPP. «On estime que 140’000 personnes de plus cotiseront au 2e pilier rien qu’en abaissant le salaire minimal à 17’640 francs», précise Silvia Basaglia. Et parmi ces nouveaux cotisants, il y a forcément une grande proportion de femmes.

Le deuxième axe en discussion concerne le montant de coordination de 26’000 francs qui pourrait être réduit de moitié. Pour rappel, le montant de coordination est une somme fixée par la loi fédérale et déduite du salaire. Le résultat de cette soustraction s’appelle salaire coordonné et c’est en fonction de celui-ci que sont calculées les cotisations au 2e pilier. Cette opération mathématique évite que des parts de salaire soient assurées à double, par l’AVS et la LPP. La gauche et les syndicats ont annoncé le référendum contre le projet qui se dessine au parlement. Pour eux, la réforme se fera sur le dos des femmes et des bas revenus, contrairement à la proposition du Conseil fédéral qui avait mis d’accord syndicats et patronat.

© MADAME MARILOU

Le plus tôt, mieux c’est

Mais cela suffira-t-il à éviter que des retraitées demandent de l’aide financière à l’État, faute de pouvoir boucler le mois dignement? Pas sûr… Claudine Esseiva, membre du comité d’alliance F (association faîtière féministe) et présidente de Business & Professional Women Suisse (BPW, un club de femmes actives) explique: «La majorité des membres de BPW ont entre 50 et 65 ans et elles savent qu’elles vont devoir adapter leur standard de vie une fois à la retraite. Le montant de coordination prétérite clairement les bas salaires, il devrait se calculer en pourcentage du salaire et non pas selon un montant fixe. Le cadre légal doit changer et prendre en considération tout le travail non rémunéré des femmes. Elles doivent se documenter et ne pas hésiter à parler d’argent en ménage. En cas de divorce, ce n’est pas facile de reprendre une vie professionnelle de zéro, surtout après 45 ans.»

Le sort des femmes qui ont vécu en union libre est encore plus fragile. Après une séparation, elles se retrouvent sans aucune compensation financière liée à leur diminution d’activité. Fort de ce constat, le bureau information femmes (BIF) de Lausanne propose un modèle de convention à remplir lorsqu’un couple se met en ménage. «Discuter des finances du couple, de la répartition des tâches éducatives et poser un cadre commun lorsque tout va bien permet d’éviter des problèmes plus tard, explique Geneviève Ziegler, présidente du BIF. Malheureusement, la plupart des gens ne s’intéressent à la retraite qu’en deuxième partie de vie alors qu’il faudrait y penser bien plus tôt.»

Parmi les actions simples à entreprendre, figure la nécessité, pour les couples en union libre, d’inscrire son concubin (ou sa concubine) comme bénéficiaire en cas de décès auprès de sa caisse de pension. Réfléchir à l’avenir permet d’éviter de laisser sa moitié dans la précarité une fois l’union rompue ou en cas de malheur…

«Je ne veux pas dépendre financièrement d’un homme»

Émilie Perrolaz est infirmière. Elle est salariée à 50% et indépendante pour les 50% restants. Elle propose des séances d’hypnose et de sophrologie dans son cabinet privé de La Côte. Ayant travaillé en France, puis en Suisse à partir de 2006, elle ne cotise pas depuis très longtemps dans un 2e pilier et ses avoirs ne sont pas très élevés. Elle a donc ouvert plusieurs comptes 3e pilier afin de compléter sa prévoyance. «La famille de ma mère était d’origine paysanne et avait pour principe de mettre du grain de côté pour passer l’hiver… J’ai été éduquée avec une mentalité d’anticipation et je suis donc prévoyante. En tant qu’infirmière, j’ai vu des femmes qui se sont retrouvées dans des situations délicates, sans compte en banque à leur nom et avec leur rente AVS gérée par leur mari. Il est hors de question que je dépende financièrement d’un homme.» La quadragénaire envisage de se mettre totalement à son compte prochainement. «Une fois que j’aurai sauté le pas, je souscrirai à une assurance perte de gains afin de pallier les imprévus.»

© ELSA GUILLET

«La prévoyance fait partie de mes dépenses prioritaires»

Les clients de Noémie Glardon ne sont pas des clients comme les autres et pour cause: ce sont des chats! La trentenaire s’est mise à son compte en 2022 en tant que cat-sitter (loveyourcat.ch). C’est elle qui s’occupe des félins lorsque leurs propriétaires sont absents. «J’ai une formation d’employée de commerce, mais j’ai réalisé que ma place n’était pas derrière un bureau. Je voulais faire autre chose qui m’intéressait davantage.»

Elle a donc suivi une formation pour devenir cat-sitter, activité qu’elle avait commencée pour dépanner des connaissances de temps en temps. La demande étant forte, elle a sauté le pas et s’est lancée en indépendante à 100%. «J’ai décidé de retirer mon 2e pilier de ma caisse de pension dans l’idée de l’investir ailleurs. J’ai également conclu une assurance perte de gains maladie et accident, et un 3e pilier. Cela représente des frais, mais la prévoyance fait partie de mes dépenses prioritaires. C’est important.»

La trentenaire, dont les journées de travail sont parfois bien longues et incluent les week-ends, s’épanouit dans son activité. Elle exerce également le métier de nutritionniste pour chiens et chats et est en train de suivre une formation de comportementaliste pour chats. «Je ne sais pas si je vais être cat-sitter jusqu’à la retraite, car c’est un travail très prenant et je fais de grosses semaines de travail. Je suis jeune, alors ça me convient pour le moment.»

© ELSA GUILLET

«J’ai dix employeurs différents, mais je ne cotise plus au 2e pilier»

Saida Charpilloz ne chôme pas. Salariée à 100%, elle cumule les heures de travail en tant que concierge et femme de ménage. «Je reçois quinze certificats de salaire pour dix employeurs différents, mais depuis l’an dernier, je ne cotise plus dans un 2e pilier car aucun de ces salaires n’arrive au montant minimum pour y être assujetti. Je souhaiterais continuer à cotiser, car mon salaire global me le permet. Mais bien que cela soit possible, il y a beaucoup de tâches administratives, de paperasse à remplir et je n’ai pas le temps de faire tout cela, car c’est un casse-tête qui est clairement rédhibitoire.»

Pour rappel, une personne qui, comme Saida Charpilloz, cumule plusieurs emplois salariés pour un salaire global supérieur à 22’000 francs peut demander à l’un de ses employeurs de l’affilier à sa caisse de pension. C’est à lui ensuite de récupérer auprès des autres les différentes parts de cotisations. Autant dire que dans les faits, rares sont les entreprises qui s’y frottent…

La quadragénaire s’inquiète pour sa retraite. «Que vais-je toucher si je ne peux pas compter sur une rente 2e pilier?» Malgré une situation de prévoyance fragile, Saida Charpilloz gagne trop pour profiter des subsides à l’assurance maladie ou d’autres prestations complémentaires. «J’aime travailler et je suis en mesure de m’en sortir seule tant que je suis en santé, mais le système est mal fait pour des femmes comme moi. Il faut trouver une solution pour que le 2e pilier soit obligatoire et au prorata du salaire, comme l’AVS.» Cette mère de famille divorcée arrive toutefois à verser un peu d’argent dans un 3e pilier. «C’est mieux que rien, mais ce n’est pas une rente. Si je vis très longtemps, le capital investi dans ce 3e pilier ne sera pas suffisant», conclut-elle.

© ELSA GUILLET

«J’ai eu des inquiétudes au décès de mon premier mari»

Eva* a arrêté de travailler à la naissance de son premier enfant. Elle en a eu cinq, qu’elle a élevés en étant femme au foyer. «Je suis infirmière en pédiatrie, et lorsque je suis devenue maman, cela n’avait pas de sens à mes yeux de faire garder mes enfants pour aller soigner ceux des autres.» Ses enfants devenus grands, la sexagénaire a parfois travaillé à temps partiel dans un CMS, parfois en tant qu’indépendante. «Le montant de mon 2e pilier est ridicule et je n’ai pas de 3e pilier. Lorsque mon premier mari est décédé, j’ai dû me débrouiller avec une rente de veuve et celle d’orphelins de mes trois premiers enfants. J’étais inquiète, mais je m’en suis sortie.» Malgré cette crainte, Eva n’a pas hésité à rester à la maison à la naissance de ses deux plus jeunes. «Mon second époux a des horaires irréguliers et je trouvais normal d’offrir à tous mes enfants la chance d’avoir leur maman à la maison. Je ne suis pas inquiète pour la retraite. Je suis croyante et je fais confiance à la vie.» * Prénom d’emprunt

Quelques conseils

Catherine Ruchet Choffat, coordinatrice du bureau Information Femmes, insiste sur le fait que le travail d’une femme doit être payé: «Il y a beaucoup d’épouses qui effectuent des tâches administratives ou d’accueil pour l’entreprise de leur mari. Ces heures de travail ne sont pas rémunérées et elles ne cotisent ni à l’AVS ni au 2e pilier. Indépendamment d’un salaire versé par le mari ou pas, il faut impérativement cotiser à l’AVS dès 18 ans!» Autre écueil à éviter: les «trous» de cotisation au 2e pilier. «Une mère qui a cessé son activité pendant quelques années et qui la reprend ensuite devrait, dans la mesure du possible, racheter des années de cotisation dans son 2e pilier, précise Judith Granat. La somme est calculée en se basant sur le montant qu’elle aurait cumulé si elle n’avait pas arrêté de travailler et en se fondant sur le salaire actuel. Le rachat peut se faire en plusieurs tranches et sur plusieurs années.» Geneviève Ziegler et Claudine Esseiva sont péremptoires: dans la mesure du possible, il ne faudrait pas cesser de travailler ou du moins ne pas trop diminuer son temps de travail. «Il faut inciter les hommes à travailler à temps partiel et les mères à lâcher un peu les tâches éducatives, insiste Geneviève Ziegler. Père et mère sont tous deux aptes à s’occuper des enfants.»

Et Silvia Basaglia de conclure: «Garder un pied dans le monde du travail et augmenter son pourcentage dès que les enfants sont grands permet de limiter les différences de rente.» Autre cheval de bataille: la garde des enfants. En Suisse, les places en garderie ou en accueil parascolaire sont souvent difficiles à trouver et aussi très chères, de quoi freiner parfois les mères qui voudraient continuer à travailler après le congé maternité. Le chemin vers l’égalité entre femme et homme au moment des retraites, mais aussi bien avant, semble encore long…

Vous avez des questions?

Vous hésitez à passer à temps partiel? L’idée d’un congé sabbatique vous trotte dans la tête? Vous aimeriez transformer votre passion en activité indépendante? Tout cela a un impact sur votre prévoyance professionnelle! Posez vos questions par mail (femina.web@femina.ch) à une experte de Retraites Populaires, et retrouvez les réponses dans nos prochains articles.

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