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Plage en péril: Essaouira menacée par les mafias du sable

Plage en péril: Essaouira menacée par les mafias du sable

Le sable est le nouvel eldorado du XXIe siècle: il est le deuxième produit le plus recherché sur la planète après l’eau.

© ISTOCKPHOTO

Cité plusieurs fois centenaire, perle de blanc et de bleu nacrée par le vent de l’Atlantique, Essaouira l’impétueuse conserve un charme fou: sa médina fortifiée façon Saint-Malo du désert, ses plages infinies filles du Sahara et foulées par quelques dromadaires spécialement apprêtés pour balader les touristes, la carte postale en jette. Mais bientôt, la ville fabuleuse de l’ouest du Maroc pourrait se retrouver orpheline de ses paysages ensauvagés, être privée de ses immenses horizons dorés. En cause? C’est son sable qui disparaît.

Depuis plusieurs années, la région d’Essaouira est victime d’un braquage organisé de ses plages. Les vastes étendues bordant l’océan sont devenues le théâtre d’une ruée vers l’or totalement hors-la-loi et incontrôlable visant son sable. De jour ou de nuit, par seaux discrets ou par camions-bennes opérant en troupeaux d’acier hurlant défigurant les dunes, on vient vider les plages d’Essaouira de ses microscopiques grains minéraux. Par tonnes. Par centaines de tonnes, même.

De la plage à la bétonnière

Comme de nombreux autres endroits du pays, à Tanger, à Casablanca, le sable fait l’objet d’une exploitation illégale à grande échelle au Maroc. Facile à extraire, disponible à foison sur les terrains publics des rivages de l’Atlantique, une aubaine. La promesse d’un enrichissement rapide et sans beaucoup de risques. Car le sable est le nouvel eldorado du XXIe siècle: il est le deuxième produit le plus recherché sur la planète après l’eau.

Indispensable pour nourrir le boom de la construction en béton de par le globe, il l’est aussi pour nombre de nos objets du quotidien utilisant des puces et microprocesseurs: ordinateurs, smartphones, cartes bancaires, montres et autres électroniques omniprésentes ont besoin du silicium, qu’on trouve en grande quantité dans les grains de sable.

Certes, on estime que la Terre recèle 120 millions de milliards de tonnes de ce matériau naturel. A priori, les réserves de sable semblent suffisantes pour abreuver la consommation mondiale, qui s’élève à 50 milliards de tonnes par an. Mais il y a un problème: seul 5% du sable disponible à l'état naturel peut être utilisé par l’industrie du bâtiment.

Le Sahara? Inexploitable

Le sable du désert, par exemple, est bien trop fin et lisse pour fabriquer du béton: son mélange avec du ciment, de l’eau et des graviers engendre un matériau instable. Il y a bien celui des profondeurs, mais son accès est complexe et coûteux. L’idéal, le sable immédiatement disponible, c’est donc bien celui des plages. Et au Maroc, certains réseaux criminels l’ont bien compris, au point de former une véritable «mafia du sable». Ces organisations obscures corrompent politiques, notables locaux ou membres des autorités pour se garantir un accès illimité aux plages et aux dunes les plus fournies.

Plage en péril: Essaouira menacée par les mafias du sable
Les grandes étendues de sable de la région d’Essaouira attisent les convoitises… et sont parfois pillées à coups de camions-bennes. © ISTOCKPHOTO

À Essaouira, les enquêteurs ont ainsi démantelé plusieurs filières de ce genre, découvrant des entrepôts clandestins remplis de dizaines de milliers de tonnes de sable volé. Au nord du pays, plusieurs plages ont déjà disparu, laissant le littoral sans défense: les étendues de sables permettent de contenir les phénomènes d’érosion du littoral. Sans son précieux sable qu’on kidnappe toujours plus chaque jour, Essaouira pourra-t-elle résister encore aux assauts fougueux de l’Atlantique?

Mort-e-s pour avoir parlé du sable

L’ancienne Mogador n’est d’ailleurs pas la seule région à souffrir du trafic de sable. En Malaisie, en Italie, en Jamaïque, des mafias toutes-puissantes vident les plages de leur substance. Utilisant souvent la pauvreté des habitant-e-s pour obtenir leur collaboration. Et ces activités ne font pas que menacer l’environnement et soumettre des populations: elles tuent des êtres humains: en Inde, plusieurs journalistes enquêtant sur les mafias du sable dans le sud du pays ont été assassiné-e-s.

Pourtant, des solutions existent. En Sardaigne, les autorités de Cabras ont mis sur pied des brigades spécialement chargées de surveiller et protéger les rivages des pilleurs de sable. Mais pour sauver les plages d’Essaouira et des autres édens dorés de la planète, il faudra sans doute un peu plus que ça.


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