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Rencontre avec Sophie Lavaud, légende de l'alpinisme

Rencontre avec sophie lavaud legende de lalpinisme

En juin 2023, Sophie Lavaud a réalisé l’ascension du Nanga Parbat (8 126 m), point culminant de son brillant parcours.

© KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI

N’allez surtout pas lui dire qu’elle est une légende. Sinon, un éclat de rire viendra balayer le compliment. «En voilà un mot embarrassant. Pour moi les légendes sont des personnes qui sont mortes… Certes, de nos jours, dès le moment où l’on fait quelque chose qui sort de l’ordinaire, on devient une légende. Cela dit, le résultat est là et je le savoure…»

Sophie Lavaud savoure et il y a de quoi. Cette enfant d’un couple franco-canadien est née à Lausanne en 1968, ce qui lui permet aujourd’hui de détenir trois passeports. Ainsi en juin 2023, elle est devenue le «premier Français» (hommes et femmes confondus), la première Suissesse (seconde tous genres confondus, après Erhard Loretan) et «premier Canadien» à avoir gravi les quatorze sommets de plus de huit mille mètres!

Cet automne, un livre richement illustré – Les quatorze 8000 – ainsi qu’un documentaire immersif de François Damilano – Sophie Lavaud: le dernier sommet – relatant l’ascension du Nanga Parbat immortalisent un brillant parcours.

Même si elle a très tôt chaussé des skis, Sophie n’a pas passé sa jeunesse à clamer qu’elle voulait devenir une alpiniste professionnelle. «Tout a démarré en 2004. Cette année-là, j’ai gravi le Mont-Blanc. Une réussite pour moi qui menait une existence normale et qui travaillait en entreprise. Dès lors, l’envie d’aller plus haut ne m’a pas quittée. Au fil des ans, je suis parvenue à gravir un 5000, puis un 6000 et enfin un 7000. Je suis donc arrivée à la barre des 8000.»

Dans le silence qui suit, on croit sentir le vent des cimes prêt à nous gifler les joues. Posément, elle poursuit: «Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que pour gravir le Mont-Blanc, deux jours suffisent. Pour un 8000, il faut au minimum deux mois…».

Sophie Lavaud marque une nouvelle pause, le temps peut-être de rembobiner une partie non négligeable du film de sa vie. «Ce n’est qu’en 2012 que je suis parvenue à monter ma première expédition dans l’Himalaya pour un 8000 (Cho Oyu). Je n’étais pas du tout certaine de réussir, mais je me suis dit: tu vas aller flirter avec un 8000 pour voir ce que ça fait. J’ai réussi et, à ce moment-là, pour moi tout était fini, j’avais atteint mon but… Sauf que rapidement, l’Everest s’est imposé parce que c’est le point culminant de la planète. Je l’ai réussi en 2014.»

Point culminant

Sans revendiquer le titre d’alpiniste chevronnée, Sophie vient de passer sur «le Toit du Monde». Un aboutissement? «Je parlerais plutôt d’un point de bascule. Je prends conscience que je ne pourrai pas monter plus haut, mais l’idée de gravir les 14 «8000» prend forme. Je prends conscience que si je veux me lancer dans une aventure pareille, je vais devoir m’y consacrer à plein temps. En 2015, je démissionne de mon dernier job…»

La suite et l’épilogue de cette épopée glacée faite de souffrance et de joie sont narrés avec une foule de détails dans le livre et le film évoqués plus haut. Dans le documentaire, la mémoire sélective de l’héroïne est présentée comme un élément clé de sa réussite: «J’ai tendance à ne garder que les beaux souvenirs de mes expéditions. Même si c’est rude, qu’on en bave et qu’on se dit régulièrement: qu’est-ce que je fous là?»

Depuis le début de sa quête, Sophie Lavaud a passé l’équivalent de quatre années de sa vie dans différents camps de base, dans un décor de glace au silence imposant. Comment fait-elle pour ne pas se sentir déphasée lorsqu’elle retrouve le monde «normal», bruyant, survolté?

«Il faut bien être conscient qu’on ne peut pas survivre à de telles altitudes. Physiquement, même sur un camp de base, généralement à une altitude proche des 5000 m, le corps se dégrade, petit à petit… À un moment, il devient urgent de quitter cet environnement hostile. J’ai toujours plaisir à rentrer. C’est important de venir se ressourcer, de revoir la famille, les amis.» Elle rit de nouveau puis glisse en guise de conclusion provisoire: «Ma vie est encore ici même si, désormais, elle se passe aussi beaucoup là-haut.»


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