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Séries, docus, podcasts: Pourquoi le true crime passionne autant

Series docus podcasts pourquoi le true crime passionne autant

La passion collective pour le true crime pourrait bien contribuer à faire entendre la voix de frères Menéndez: pourront-ils être libérés après avoir passé 30 ans incarcérés?

© NETFLIX/MILES CRIST

Basée sur l’histoire de Lyle et Erik Menéndez, deux frères qui ont froidement abattu leurs parents aux États-Unis à la fin des années 80, la saison 2 de Monstres fait un incroyable carton sur Netflix. Diffusé parallèlement sur la plateforme, le documentaire Les frères Menéndez, consacré au même drame, marche lui aussi d’enfer… à l’instar de pratiquement toutes les productions estampillées «true crime» - pour «vrai crime» en français.

Car oui, fussent-ils sanglants et glaçants, les faits divers passionnent tout le monde. On exagère? Un peu, sans doute, mais pas tant que cela. En témoignent le succès phénoménal de séries comme Monstres: Dahmer, Sambre, The Long Shadow et Soupçons (The Staircase), le retentissement des docus Don’t f*ck with cats, Making A Murderer et L'affaire Grégory ainsi que l’engouement pour des livres tels L’affaire du Zodiac, Elle s’appelait Sophie et les essais-témoignages du médecin légiste belge Philippe Boxho ou pour les podcasts L’heure du crime, Faites entrer l’accusé, Home(icides) et le remarquable Crimes suisses. D’accord, d’accord. Mais… Pourquoi ressent-on cette (sombre) appétence pour le sordide, l’abominable voire l’insoutenable? Comment comprendre notre fascination pour des affaires criminelles qui nous racontent si souvent le pire de l’humanité? Eléments de réponse…

Des mythes modernes

Comme l’expliquaient récemment dans une interview Emmanuel et Mathias Roux, auteurs de l’essai Le goût du crime, Enquête sur le pouvoir d’attraction des affaires criminelles (Éd. Actes Sud), le true crime a une fonction de «mythe moderne» et, en quelque sorte, prend le relai des légendes d’autrefois. Avec tout ce que cela peut impliquer d’horreurs, certes, mais de questionnements essentiels, aussi. «Par exemple, l’abjection du parcours d’un tueur en série tel que Michel Fourniret interroge sur la condition humaine, sur le moment de bascule vers «l’inhumanité». S’esquisse également, dans la trajectoire d’un criminel, l’idée de fatalité – fatum – chère aux tragédies antiques. De par une enfance traumatique, tel assassin était-il «destiné» à tuer un jour? Le meurtrier doit-il être considéré comme pleinement «responsable» de ses actes? Ou alors est-il guidé par une «main invisible» – un déterminisme sociologique, ou psychiatrique? Voilà des interrogations qui travaillent l’humanité depuis la nuit des temps. Et qui sont réactualisées, à la funeste lumière des drames criminels», précisait ainsi Mathias Roux.

Besoin de comprendre

Trait fondamentalement humain, la curiosité nous pousse à vouloir comprendre, expliquer et, in fine, solutionner. Et c’est justement l’un des ressorts titillés par le true crime: par quel déclic la mécanique meurtrière se met-elle en branle? Qui était donc Xavier Dupont de Ligonnès et pourquoi a-t-il exécuté sa femmes et ses quatre enfants? Est-il toujours en vie? Si oui, où se cache-t-il? Beaucoup de questions sans réponses. Ce qui explique d’ailleurs l’intérêt toujours vif pour cette affaire… comme pour d’autres énigmes non-résolues!

À noter que dans certains cas, ce besoin de gratter au-delà des apparences et de savoir peut nous pousser à se la jouer détective. Que l’on pense par exemple à Don't F**k with Cats : Hunting an Internet Killer qui raconte comment une équipe d’internautes est parvenue à identifier puis traquer Luka Rocco Magnotta, alias le «dépeceur de Montréal». De même, suite à la diffusion de la série consacrée à l’affaire Grégory, les groupes Facebook dédiés à cette affaire non-élucidée ont enregistré des dizaines de nouvelles adhésions, «comme une volonté des internautes de faire partie de l'enquête à leur tour».

Par ailleurs, au-delà de la compréhension d’un drame, les true crimes donnent aussi des éclairages édifiants sur le déroulement d’une enquête et le fonctionnement de la justice: les ratages, le manque de coordination ou l’importance de fichiers ADN, les coups de chance, le flair de certains enquêteurs et magistrats… En France, émissions de TV, radio ou podcasts ayant mis au jour des dysfonctionnements graves et souligné des lacunes ayant été sources de fiascos policiers et/ou judiciaires ont contribué à accélérer la mise en place de changements législatifs majeurs. Dont la création, par exemple, d’une brigade Cold Case dévolue à la résolution de crimes non élucidés.

Un narratif à suspense

Popularisé par l’écrivain américain Truman Capote dans In Cold Blood (De sang-froid en français), récit paru en 1966 dans lequel il retrace le meurtre d’une famille de fermiers du Kansas, le true crime est devenu un genre à part entière. Sa règle de base: coller le plus possible à la réalité. Ce qui ne l'empêche toutefois pas de jouer sur certaines règles narratives utilisées dans la fiction: personnages forts, suspense, retournements de situations… Pour le coup, tout comme on croche à une série, à un feuilleton, à un rom pol, on se fait «choper» par un fait divers.

Contrôle et catharsis

Si l’on en croit différentes études, consommer du true crime nous permettrait d’avoir l’impression de «comprendre et appréhender autrement les situations que l’on craint» expliquait la docteure en analyse neuropsychologique Ariane Bazan sur France Inter. Elle précisait:

«En se procurant des informations et des images sur un crime, on obtient une forme de contrôle sur les événements, ce qui nous permet de nous rassurer. Ainsi, on a l’impression d’avoir toutes les clés en main pour prévenir une tragédie ou y survivre si elle venait à nous arriver un jour.»

Elle ajoutait: «Et puis il y a un effet de catharsis. Chacune et chacun d'entre nous a un peu de violence en soi, et l'une des façons de l'assouvir - sans nuire à la société - est de se plonger dans ces histoires de crimes. Vous pouvez le voir comme un exutoire civilisé pour votre agressivité interne!»

Par ailleurs, en plus de l’empathie que l’on ressent pour les victimes, ces affaires horribles offrent une forme de soulagement un rien «shadenfreudique» puisque l’on peut se dire: «Ouf, ça ne m'est pas arrivé, j’ai eu la chance de ne jamais devoir me confronter à une telle atrocité!»

L’occasion de mettre en avant de grands problèmes de société

Certains faits divers sont l’occasion de débattre et de (re)mettre en lumière des questions sociétales. On peut ainsi citer le téléfilm C'était lui ou moi - L'histoire bouleversante de Jacqueline Sauvage qui parle des violences conjugales. Ou plus récemment Monstres: l’histoire de Lyle et Erik Menéndez ainsi que le documentaire Les frères Menéndez, qui abordent frontalement les abus sexuels commis sur des hommes et les traumatismes qui en découlent - tout en dénonçant l’aveuglement total du système judiciaire sur ces problématiques restées si longtemps tabou.

En l'occurrence, ces deux true crimes, en soulevant des vagues d’indignation sur les réseaux sociaux et dans la presse, pourraient bien contribuer à faire entendre (enfin!) la voix des Menéndez: justice leur sera-t-elle enfin véritablement rendue et pourront-ils être libérés après avoir passé 30 ans incarcérés? Réponse dans les semaines à venir…


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