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témoignage

Vie d'expat: Artiste, Lara Buffard performe à Londres

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Lara Buffard mène une vie paisible à Lausanne jusqu’au jour où le goût de l’aventure la titille.

© ANTHONY LYCETT

À l’époque, je suis responsable de la médiation culturelle au Musée cantonal de design et d’arts appliqués contemporains (Mudac) à Lausanne. J’adore mon job, mais après près dix ans, je ressens le besoin de nouvelles aventures, de nouveaux stimuli. Alors je pars à Londres avec deux valises, sans connaître personne. On est en septembre 2014. Quelques mois plus tard, je tombe sur un appel à projets de la Tate Modern, en quête d’artistes pour une performance: «If Tate Modern was Musée de la danse?» L’institution propose au chorégraphe Boris Charmatz – directeur actuel de la compagnie Pina Bausch – d’investir et transformer les lieux en musée de la danse. Mon bagage de muséologie en main, mais consciente de n’avoir aucune des compétences requises, je postule.

À ma grande surprise, on m’invite aux sélections qui durent trois jours. Je vis l’instant présent, heureuse d’être là. Des 700 personnes au début, quinze seront sélectionnées au final. Le dernier jour, quand je me retrouve face au jury, j’estime tout à fait normal de ne pas être retenue. Sauf que… Je suis sélectionnée!

Pendant le mois de la performance au musée, une personne qui m’a repérée m’envoie un e-mail pour me proposer un projet. Je la remercie en lui précisant que je ne peux hélas pas y donner suite, car je ne suis pas performeuse. Elle me répond:

«Si vous n’êtes pas performeuse, personne ne l’est, venez lundi.»

Depuis, je n’ai plus jamais arrêté. Entre-temps, je suis une formation en section Theater, Performances & Contemporary Life Arts à l’Université de Londres et je développe rapidement ma pratique artistique, qui se présente à moi de façon très fluide, évidente, sans aucune stratégie. Dans un enchaînement incroyable, je vois les gens venir vers moi et me solliciter pour différents projets.

vie d'expat à Londre
© LARA BUFFARD

Londres, la liberté absolue

Ne pas m’exprimer dans ma langue maternelle m’apporte une grande liberté.

En anglais, une cuillère reste une cuillère, tandis qu’en français, cela peut raconter ma grand-mère ou d’autres choses. J’avais lu cette théorie d’une spécialiste de l’Académie française qui disait que lorsqu’on s’exprime dans une autre langue, c’est un autre pan de notre personnalité qui s’exprime. Cela résonne en moi et ouvre des potentiels qui étaient là, mais que je n’aurais pas explorés, je pense, si j’avais dû le faire en français.

Londres me permet d’être moi-même à 100%, il y a une immense liberté d’expression propre à cette ville. Ici, on ne juge pas, il est possible d’être multiple, de traverser les genres du plus conceptuel au cabaret. J’ai notamment travaillé pour une production queer américaine de Taylor Mac, A 24-Decade History of Popular Music, trois heures de spectacle tous les soirs face à 1200 spectateurs. C’est un artiste qui me suggère d’envoyer ma candidature, je ne l’aurais jamais envisagé toute seule.

Je postule en spécifiant que je suis une mère hétéro de trois enfants, trop vieille et trop grosse. Sans avoir le profil, je me vois à nouveau sélectionnée. Je travaille avec eux, 24 musiciens, douze performeurs aux personnalités extraordinaires qui transcendent… tout! Il y a une telle énergie et liberté d’expression, c’est jubilatoire, exigeant et euphorisant. Il faut tout donner chaque soir. Cette liberté d’expression symbolise Londres pour moi, que cela touche aux questions d’âge, de physique, de genre, de parcours de vie, il me semble que tout est possible là-bas. Londres m’a permis de me révéler et de vivre de ma pratique artistique. J’ai le grand bonheur de pouvoir travailler dans toute l’Europe, notamment en Suisse, Espagne, Belgique, Grèce où j’ai actuellement un gros projet en cours de finalisation.

J’ai travaillé pour de grosses productions comme des toutes petites, Barbican, The Globe, V&A, Royal Opera House, la Biennale de Venise… mais une ligne reste claire, artistiquement, il faut être généreux, accepter d’être vulnérable, lâcher prise avec son image, travailler… beaucoup afin d’en vivre mais aussi de développer ses compétences. Londres exige tout, il ne faut pas compter sur son week-end, on reçoit des e-mails professionnels même le dimanche, il faut être réactif.

Le costume comme vecteur de messages politiques

En tant que performeuse, je suis notamment intéressée par l’énergie vibratoire avec les spectateurs, j’écris et je conçois tout, mais je suis toujours dans l’instant présent, prête à réagir et interagir avec le public. C’est pour moi la beauté et l’exigence de cette pratique.

Je crée et conçois tous mes costumes et crée pour d’autres artistes et productions.

Je suis régulièrement invitée à donner des conférences dans des universités sur le costume car au-delà du beau, du joli, je suis intéressée par la potentielle puissance visuelle du costume comme vecteur de messages politiques. Prenez l’exemple de l’artiste Leigh Bowery, une référence absolue pour moi, un précurseur dans ce domaine.

Les étiquettes ne m’intéressent pas mais pour me présenter, vous pouvez dire que je suis… l’anglais le résume bien: «a performer and a maker». Je fais. Je brode, couds, construis des extensions du corps, des masques qui révèlent au lieu de cacher. Aller au-delà de l’image pour mieux se rencontrer, se connecter les uns aux autres, partager et vibrer.

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© LARA BUFFARD


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