témoignage
Vie d'expat: Elle a ouvert un B&B en Grèce
Du plus loin que je m’en souvienne, j’ai toujours suivi mon cœur. Aussi, quand j’ai rencontré Teo il y a une vingtaine d’années dans les Caraïbes, où il était en vacances et moi je vivais, je n’ai pas hésité à tout larguer pour le rejoindre en Suisse. L’amour donne des ailes! J’avoue que les premiers temps, ça n’a pas été tout simple. Parce que le contraste entre la République dominicaine et le Tessin était assez… saisissant, dirons-nous. Ce d’autant qu’à Lugano, j’étais femme au foyer: un sacré choc pour moi qui avais toujours travaillé dans le restaurant-épicerie familial! Mais j’aimais, j’étais aimée et je me suis donc acclimatée rapidement.
Et puis voilà qu’en 2016, mon amoureux, qui est plus un dauphin qu’un humain, a demandé un an de congé sabbatique et sans solde pour se perfectionner en plongée sous-marine – l’une de ses grandes passions. L’idée était toute simple: on partait pour la Grèce, il y passait son brevet de Dive Master (instructeur de plongée) – une formalité vu son niveau! – et ensuite, il y donnait des cours quelque temps. Puis on rentrait au Tessin, où son poste d’ingénieur du son lui était assuré.
Coup de foudre pour les Cyclades
Quelques semaines plus tard, tout heureuse et heureux, on débarque donc à Kéa, dans les Cyclades, parce que Teo savait que les fonds marins y sont magnifiques. Et là, badaboum! On avait pensé à tout, sauf à ce qui nous est arrivé: un coup de foudre absolu! La gentillesse des gens, l’ambiance décontractée (pour une Caribéenne comme moi, ça compte!), les paysages sauvages, les pseudo-engueulades qui finissent en apéro sur le port, la cuisine, les fêtes dans les tavernes, les villages où rien, mais vraiment rien, ne bouge entre midi et 16 h, la mer translucide et les plages accessibles par des pistes dignes du Camel Trophy, les routes où circulent encore des charrettes tirées par des ânes et qui sont parfois bloquées par des chèvres ou des cochons en vadrouille… Tout était un enchantement!
C’était si fort qu’il ne nous a pas fallu dix jours pour décider que notre vie serait désormais liée à Kéa!
Une maison de rêve, comme si c’était écrit…
Pris dans l’enthousiasme de ce rêve, on s’est alors mis en quête d’une maison: sur un petit scooter de location, nous avons commencé à sillonner l’île – des périples qui nous ont permis de découvrir des coins encore plus fabuleux que ceux que nous avions déjà vus. Pour dire la vérité, notre exploration n’a pas duré très longtemps: comme si c’était écrit, on est presque tout de suite tombés sur «LA» propriété. Elle cochait toutes les cases: isolée mais facilement accessible, grande sans être démesurée, super bien entretenue, vue plongeante sur la mer de la terrasse et prix accessible…
En vrais gamin-e-s, on frétillait de joie, on s’y voyait déjà: moi m’occupant d’un B&B et devant les fourneaux (j’adore cuisiner!), Teo à la mer comme moniteur de plongée ou devant la maison à bricoler, nous deux sur la terrasse à siroter un petit ouzo en regardant le coucher de soleil…
Notre seule (légère) inquiétude était financière: obtenir un prêt pour acheter, c’est une chose – mais après? On a retourné le problème dans tous les sens et on est arrivé à la seule solution jouable en termes d’argent: pendant que je faisais «tourner la baraque» (ménage, accueil, petits-déjeuners, etc.), il fallait que Teo, chargé de l’administratif (ce n’est pas ma tasse de thé!), continue à travailler au Tessin et organise ses plannings pour pouvoir venir ici le plus souvent possible.
Et le Covid est arrivé. Une période compliquée, bien sûr, mais durant laquelle on a eu le temps de faire des travaux dans la maison: rafraîchissements, réparations, déco… plein de détails qu’il nous paraissait important d’améliorer ou de fignoler pour satisfaire notre clientèle.
Bon, soyons clairs, Rural Guest House n’est pas un cinq-étoiles. Du moins pas au sens classique. Car, comme nous l’ont écrit de nombreux hôtes, dont certains reviennent maintenant chaque année et sont devenus des amis, nous offrons un autre type de luxe: «l’authenticité», «la tranquillité», «le panorama à couper le souffle», «la chaleur humaine», «la sérénité» et «une parenthèse de temps suspendu».
Ces commentaires laissés dans le livre d’or me touchent parce qu’ils veulent dire que nous faisons «juste». Je les prends comme une forme de validation, ça me rassure et ça me conforte dans mes choix.
C’est mieux que rien, mais quand même…
Île de cocagne
Cela dit, je suis très reconnaissante à la vie: sans être grec-que-s, nous avons malgré tout trouvé notre place dans la communauté et noué des liens d’amitié solides avec des familles kéotes – et c’est une vraie bénédiction… Sans compter que ça nous permet d’améliorer notre grec, même si j’ai toujours tendance à panacher mes phrases de mots en espagnol et en italien!
Quant à la «bouffe», c’est une tuerie, on trouve des produits locaux exceptionnels – à des prix qui n’ont rien à voir avec le continent. Pour les fruits et légumes, c’est d’autant mieux que nous avons renoncé au potager: si certaines zones sont naturellement irriguées, nous, nous sommes dans une zone spécialement sèche et sacrifier des centaines de litres d’eau pour trois tomates, ce n'est franchement pas raisonnable… Du coup, on se contente de ce qui pousse quasi sans arrosage: un superbe poivrier rose, des figuiers violets et de Barbarie ou des oliviers si généreux que nous avons notre propre huile!
Bref, Kéa est une île de cocagne qui vit «siga, siga!» («doucement, doucement!») – une philosophie que j’ai adoptée avec bonheur!
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