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Vie d'expat: Elle lutte pour l'égalité des genres en Ouganda

Vie d'expat: Elle lutte pour l'égalité des genres en Ouganda

Cet été 2024 nous donnons la parole à des Suissesses qui vivent hors de la frontière. Ici, Charlotte, qui organise des sessions de skate pour les filles à Gulu, en Ouganda.

© DR

Il y a deux ans, je n’aurais jamais pensé que l’Ouganda deviendrait ma deuxième maison, encore moins y accueillir un enfant. La vie est surprenante: elle m’a menée à Gulu, dans le nord du pays, m’a permis de travailler pour un domaine qui m’anime – la place des femmes dans la société –, d’intégrer la communauté locale grâce à mon sport de prédilection, le skate, et même de rencontrer l’amour.

Née il y a 29 ans à Strasbourg, j’ai grandi dans la région lausannoise. À la fin de mon cursus de management à l’EHL, j’ai travaillé comme stagiaire dans une ONG et j’ai trouvé ma voie professionnelle: le secteur humanitaire. Passionnée par les thématiques de genre, je me suis formée aux enjeux de l’égalité et je me suis mise en quête d’une structure qui œuvre pour les droits des femmes à l’étranger et j’ai découvert Gulu Women Economic Development and Globalization (GWED-G), basée en Ouganda. Voilà comment j’ai postulé à Eirene Suisse, partenaire de GWED-G, une ONG active depuis 1963 dans la coopération au développement par l’échange de personnes. Elle collabore avec des organisations locales dans la région des Grands Lacs africains, en Amérique centrale et en Haïti.

Les communautés locales plutôt que les groupes d’expats

C’est comme ça qu’en 2022, j’ai fait mes valises pour l’Afrique, mandatée par Eirene Suisse comme experte auprès de son partenaire GWED-G. J’avais déjà vécu à l’étranger, mais jamais en dehors de l’Europe et ça a été un grand challenge, un chamboulement même.

Arrivée dans la ville de Gulu, j’ai été confrontée au choc des cultures et j’ai dû déconstruire des schémas de pensée pour ouvrir un œil nouveau sur les mœurs locales.

Au début, par exemple, c’était compliqué pour moi d’être constamment sollicitée dans la rue à cause de ma peau blanche, car comme beaucoup de femmes, je n’aime pas être abordée dans l’espace public. Pour autant, je souhaitais vraiment m’intégrer aux communautés locales et ne pas rejoindre des groupes d’expats de la région, surtout composés d’Américain-e-s.

À GWED-G, je suis responsable du département genre. Avec mes huit collègues – uniquement des locales et des locaux – nous menons un travail de sensibilisation en lien avec les droits des femmes et les violences de genre, dans des régions rurales par exemple, et nous mettons en place des outils pour permettre aux entrepreneuses de développer leur business. À plus large échelle, notre objectif est de faire bouger les normes sociales afin d’offrir plus d’opportunités aux femmes, et même d’essayer de faire modifier les lois en leur faveur auprès du gouvernement.

Vie d'expat: Elle lutte pour l'égalité des genres en Ouganda
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En Ouganda, les femmes s’occupent principalement des tâches domestiques et parentales, même les petites filles. Les familles nombreuses sont la norme. D’ailleurs, l’un des enjeux majeurs est l’éducation: comme l’école relève du privé, le cursus coûte cher aux parents et cela peut freiner l’accès à l’éducation à toute la fratrie.

Puisque les filles partiront vraisemblablement servir la famille de leur époux une fois mariées, les personnes ont tendance à favoriser l’éducation des garçons. Le problème au fond est le même qu’en Suisse: le patriarcat.

Allier activité sportive et émancipation féminine

À côté de mon travail, j’ai intégré une communauté locale de skateurs. Je pratique ce sport depuis mon enfance, mais ma passion s’est renforcée pendant la pandémie. Pour moi, la planche représente un outil d’émancipation et de confiance en soi. En Suisse, j’étais investie dans le Longboard Girls Crew, une communauté féminine qui valorise la place des femmes dans cette activité principalement masculine, et quand j’ai déménagé, j’ai collecté des skates pour les emmener dans mes bagages. Sur place, j’ai contacté la Gulu Skateboard Community, des personnes aussi passionnées que moi.

Avec le fondateur de ce groupe, Nelly, nous avons cofondé l’ONG Skate & Beyond afin d’offrir à la population la possibilité de pratiquer une activité sportive gratuitement. On récolte des fonds, du matériel et on invite les jeunes à faire du skate avec nous sur une grande place publique. On a même inauguré le premier skatepark de la région en mai 2024. Dans l’idée d’allier mes deux passions, j’organise des sessions réservées aux filles pour les motiver à essayer la planche et ça prend gentiment, malgré les barrières sociales et religieuses.

La famille avant tout

À force de travailler ensemble, Nelly et moi sommes devenus amis. Il étudiait encore à Kampala, la capitale, puis après six mois il est rentré à Gulu.

Nous avons tissé une forte connexion et il m’a beaucoup soutenue dans mon intégration en Ouganda, un véritable pilier.

Je suis impressionnée par son optimisme à toute épreuve. Rentrée en Suisse un hiver pour les vacances, je me suis rendu compte qu’il me manquait et j’ai compris que j’étais amoureuse. Nous avons officialisé notre relation et tout est allé très vite. Je l’ai emmené visiter la Suisse et il a adoré – surtout découvrir l’architecture et la neige! – même s’il appréhendait de faire face au racisme.

J’ai dit à Nelly que je me sentais prête à fonder une famille. Un jour, il m’a confié «j’ai rêvé de nous trois» et on s’est décidé-e-s. Nous avons accueilli notre fils Ayden en février 2024 et il nous comble de bonheur.

En Ouganda, le train de vie est différent – et heureusement, car je ne pense pas que j’aurais eu d’enfant en Suisse. Les gens sont gentils, accueillants et positifs. Il y a moins de stress, de pression sociale et de jugement, et la santé est particulièrement valorisée. Si tu te sens mal, tes collègues vont t’enjoindre au repos. C’est pareil maintenant que je suis mère, on me propose de rentrer plus tôt pour prendre soin de mon bébé.

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Ce rythme tranquille, sans véritable notion du temps, m’a appris à ralentir, apprécier le silence, le yoga et la méditation, mais aussi à transitionner paisiblement vers la maternité.

À revenir à l’essentiel: ma famille et la santé. Mon mandat pour Eirene Suisse se termine à la fin de l’année 2024. Mon rêve est de rester vivre en Ouganda avec Nelly et Ayden, mais, qui sait? L’univers nous guidera. Et tout cas, je recommande à toute personne qui hésiterait, d’entreprendre son voyage humanitaire. Moi, je jongle désormais entre deux cultures et je conserve le meilleur des deux.


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