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Polémique

«Mon petit renne»: La série engendre du cyberharcèlement

«Mon petit renne»: La série engendre du cyberharcèlement

Richard Gadd et Jessica Gunning incarnent Donny et Martha, deux êtres en détresse qui nouent une relation toxique.

© NETFLIX/ED MILLER

Autofiction écrite par l’humoriste écossais Richard Gadd, qui y raconte le viol et les abus sexuels qu’il a vécus en début de carrière, le harcèlement qu’il a subi pendant plusieurs années et les traumatismes avec lesquels il survit comme il peut, la série Mon petit renne est aujourd’hui un véritable phénomène, une œuvre à part et complètement unique dans le paysage sériel. Et ce, à plusieurs égards…

Un succès inattendu

S’il est évident que Netflix ne produit pas des séries dans l’idée de perdre de l’argent, la plateforme ne s’attendait toutefois pas à la déferlante Mon petit renne. Il n’empêche que sans promo ni campagne de pub particulière, l’autofiction de Richard Gadd est en passe de rejoindre Stranger Things et Mercredi en termes de réussite. Depuis sa mise en ligne, le 11 avril 2024, elle comptabilise en effet quelque 60 millions de vues pour 150 millions d'heures de visionnage - des chiffres impressionnants qui ne cessent d’augmenter jour après jour.

Des critiques unanimes

Par sensibilité personnelle ou parfois, peut-être, avec un certain goût de la contradiction, les critiques ont volontiers tendance à prendre la contre-plume les un-e-s des autres: tu adores, je déteste, tu portes aux nues, je dégomme, tu vois du beau, je vois du grotesque… Or, sur le site Rotten Tomatoes, qui tire des statistiques sur la base de tous les articles parus en anglais à propos d’un film ou d’une série, Mon petit renne obtient joyeusement 98% d’avis positifs. Et dans les pays francophones? Là encore, une pluie de louanges - ce récit choc aussi bouleversant que dérangeant est globalement encensé. Autrement dit, un consensus quasi général suffisamment inhabituel pour être signalé!

Le traitement singulier d'un thème douloureux

Qu’un-e artiste s’inspire de sa propre histoire et s’auto-incarne dans une série comme le fait Richard Gadd n’est certes pas inédit - on pense par exemple à la récente Icon of French Cinema, de et avec Judith Godrèche. De même, à l'instar de Mon petit renne, de nombreuses productions questionnent, mettent les spectatrices et spectateurs face à leurs propres démons et abordent les thématiques douloureuses que sont la santé mentale, l’emprise, le harcèlement, #MeTooGarçons, les addictions, les réseaux sociaux, la transexualité, la honte, la difficulté à libérer sa parole ou encore les traces indélébiles que laissent un traumatisme.

Pourtant, cette œuvre-là est véritablement une exception. Car sans tabou ni manichéisme, avec une sincérité désarmante, parfois même choquante, Richard Gadd se contente de raconter ce qu’il a vécu, ne masquant rien de ses troubles, de ses ambiguïtés, de ses obsessions, de ses incohérences. En d'autres termes, l'auteur écossais ne se donne pas le beau rôle en se posant en victime ou en pointant du doigt des bourreaux - mais montre la réalité dans toutes ses nuances et sa complexité. Soit une posture courageuse et inconfortable rarissime dans le monde artistique.

Une traque inédite sur internet

Si le public britannique raffole des histoires vraies et réagit facilement, il ne l’avait encore jamais fait avec une telle vigueur. De fait, dès le 11 avril 2024, une chasse aux coupables sans précédent s’est déclenchée sur la Toile afin de découvrir l’identité réelle de Darrien et Martha, le violeur et la harceleuse dépeint-e-s par Richard Gadd. Et que ce dernier ait demandé sur les réseaux ou par voie de presse à ces pseudo-Sherlock de cesser leur traque n’y a rien changé: des noms ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux, les sites d’info en ligne, et dans les tabloïds. Conséquence immédiate de cet embrasement médiatique: un déluge de messages haineux, voire des menaces de mort, à l’adresse des principales personnes accusées.

L’une d’elles, le réalisateur et scénariste Sean Foley, pourtant innocenté par Richard Gadd lui-même, a dû faire intervenir la police. Mais ce n’est qu’après avoir annoncé qu’il porterait plainte contre toute personne qui propagerait ces «fausses allégations» qu’il a retrouvé un brin de tranquillité - quand bien même le doute est entretenu par de nombreux et nombreuses irréductibles.

Quant à Fiona Harvey, une juriste écossaise de 58 ans qui serait «la vraie» Martha, elle a commencé par témoigner dans différents journaux, se plaignant notamment d’être harcelée et menaçant de porter plainte contre le comédien à l'origine de la série et Netflix pour diffamation.

Puis, lasse d’être moquée et attaquée de toutes parts, elle a accepté de participer au talk-show Piers Morgan Uncensored, diffusé sur YouTube, afin de donner sa version des faits - à savoir qu’elle aurait été la victime de Gadd et non l’inverse et que la plupart des anecdotes racontées dans la série sont fausses. Mise en ligne le 9 mai 2024, son intervention, suivie par quelque 5 millions de personnes, n’a fait qu’attiser la haine contre elle - en témoignent les dizaines de milliers de messages postés pendant et à l’issue de l’interview, une grande première pour le pourtant très populaire Piers Morgan…

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