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Père-fille: Le récit touchant de l'autrice Francine Crettaz

Pere fille le recit touchant de lautrice francine crettaz

La Valaisanne Francine Crettaz a voulu transmettre l'histoire de leur grand-père Jules à ses deux fils Marc et Benjamin Décosterd.

© NOURA GAUPER - MISE EN BEAUTÉ FRANCIS ASES

Parler de la mort, c’est parler de la vie. Et Francine Crettaz en donne une magnifique illustration avec Sur les traces de mon père, une lettre d’amour, d’humour et d’émotions construite à coups de dialogues imaginaires, de souvenirs ou de plongées dans des archives du val d’Anniviers qui «re-suscite» Jules, emporté par un cancer en 1961. Il avait 38 ans, elle 7.

Dit comme ça, on pourrait voir dans ce récit un besoin de se libérer, une forme d’exutoire. Ou la simple chronique d’une famille anniviarde, avec clins d’œil à son oncle, le célèbre anthropologue Bernard Crettaz. Mais avec cette Valaisanne établie à Lausanne depuis 1978, lectrice pour la Bibliothèque sonore romande et ancienne conseillère en communication de personnalités comme Yvette Jaggi, dont elle est une indéfectible amie, rien n’est aussi simple!

Sourire aux lèvres, chaleureuse et pétillante, cette féministe convaincue explique:

«Comme je savais depuis longtemps à quel point cette perte prématurée m’avait marquée, j’avais beaucoup travaillé là-dessus et je pensais être au clair avec tout cela.»

Elle reprend: «En me lançant dans ce projet, mon but était donc tout simple: je voulais mener une enquête pour véritablement rencontrer Jules, aller au-delà de l’image que j’avais de lui, transmettre mes découvertes à mes deux fils, Marc et Benjamin Décosterd, et lancer ainsi des ponts transgénérationnels. Au fond, je voulais juste faire circuler les choses. Évidemment, j’ai bien vite réalisé qu’on n’a jamais vraiment fini de faire le ménage en soi – mais ce n’était pas du tout l’idée de base!»

«Une pièce a deux faces…»

Maintenant songeuse, Francine Crettaz reprend: «C’est vrai que replonger dans son histoire à lui m’a fait repenser à ma propre trajectoire, aux choix que j’ai pu faire, comme venir étudier à Lausanne après un mariage raté, ou à des événements que je n’évoque pas forcément dans ce récit…»

Dont par exemple, les épreuves subies par sa mère, Thérèse, qui, d’épouse de l’un des hommes les plus respectés de son village, Mission, s’est retrouvée veuve, donc marginalisée, du jour au lendemain:

«Dans une société aussi patriarcale, une femme qui devenait cheffe de famille était inacceptable – et d’autant plus, dans son cas, qu’elle était très intelligente et rebelle dans l’âme. Même après qu’elle a décidé de descendre en plaine, à Sierre, elle a dû tout gérer seule, sans aide, sans droits, sans rien.»

Des injustices systémiques honteuses – mais qui auront eu le mérite d’ouvrir les yeux de Francine Crettaz: «Une pièce a toujours deux faces, et quelle que soit la situation, on peut y trouver du positif. En l’occurrence, si nous avons vécu des moments très douloureux et compliqués, ma mère, mes quatre frères et sœurs et moi, cela a notamment éveillé ma conscience féministe!» souligne-t-elle. Et sa sensibilité politique à gauche? Aussi! Même si elle a toujours obstinément refusé d’adhérer à quelque parti que ce soit: suivre une ligne et obéir à des consignes de vote, très peu pour elle, s’exclame-t-elle dans un éclat de rire.

Engagement dans la douceur

Un brin péremptoire, peut-être? Du tout. Car au fil des ans, elle a appris à cultiver la douceur – «je m’y suis mise tardivement, mais je m’y suis mise», glisse-t-elle dans un sourire, tout en précisant que cela ne l’empêche pas d’être engagée: «On a fait #MeToo – et c’est très bien – mais aujourd’hui, on devrait également s’attaquer aux idées et injonctions dans lesquelles nous avons baigné et qu’il nous faut déconstruire: nous sommes toutes et tous le produit d’une époque et beaucoup moins libres qu’on se plaît à l’imaginer!»

Pour autant, inutile de se flageller ou de verser dans la violence, conclut-elle: «Ce n’est pas toujours une voie facile à suivre mais… quand on réfléchit au pourquoi on en est là et comment agir pour en sortir au lieu de tout de suite juger et condamner, tout devient plus léger, plus fluide et cela permet d’appréhender la vie autrement!» Un credo qui semble lui donner des ailes… 

Bio express

1954 Naissance à Zinal.

1961 Décès de son père, instituteur, postier et vice-président de la commune d’Ayer.

1978 Elle étudie les sciences politiques à l’Uni de Lausanne, où elle se lie d’amitié avec Yvette Jaggi, puis commence une carrière dans la communication, se marie et a deux enfants dans les années 90: Marc et Benjamin Décosterd.

2024 Après Des choses pareilles et Libre, le reste on s’en fout, elle publie Sur les traces de mon père.

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