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Cinéma

Laetitia Dosch: «Je ne me sentais pas capable de faire un film»

Laetitia dosch le proces du chien interview

Après avoir brillée au Festival de Cannes 2024, la réalisatrice franco-suisse Laetitia Dosch nous emballe en cette rentrée avec son premier film drôle, tendre et militant, Le Procès du chien.

© GETTY IMAGES/NEILSON BARNARD

C’est l’histoire d’une dramédie inédite, retenue pour la présélection de la contribution suisse aux Oscars 2025, qui met en scène un chien dans un procès. Le premier long-métrage de l’actrice franco-suisse Laetitia Dosch en tant que réalisatrice. Mais elle y joue aussi le rôle d’Avril, une avocate des causes désespérées qui va défendre un chien «misogyne» mordeur récidiviste… de femmes. Après avoir été sélectionné dans la catégorie Un certain regard au Festival de Cannes 2024 et gagné une Palme Dog pour Kodi, sa star à quatre pattes, le film a été diffusé en août sur la Piazza Grande au Festival International du film de Locarno.

Au téléphone, l’interprète du Roman de Jim des frères Larrieu transmet son enthousiasme, et s’exclame: «C’était trop beau. Je me demandais si les gens, assis à l'extérieur, allaient rire. C'est incroyable d'entendre 8000 personnes qui rigolent à des blagues qu'on a écrites toute seule dans sa chambre.» Tourné à Lausanne, Vevey et Gimel avec un casting franco-suisse (Anne Dorval, François Damiens, Jean-Pascal Zadi, le directeur de l’Arsenic Patrick de Rham), mixant humour et sérieux, droits des animaux et droits des femmes, Le Procès du chien devrait toucher son public, dès le 11 septembre 2024 en salles.

FEMINA Comment s'est passé l’accueil de votre film au Festival de Cannes dans la catégorie Un certain regard, ce printemps?
Laetitia Dosch Cannes, j'appréhendais. J'étais fière que le film ait été pris parce que ça voulait dire que les sélectionneurs comprenaient que je parlais d'écologie, du statut animal, du statut de la femme. J'étais super fière. Par contre, je ne savais pas s'ils allaient rire. Est-ce que les gens étaient prêts à ça? Mais ça s'est très bien passé.

Comment l'idée du film Le Procès du chien vous est venue?
Je faisais ma pièce de théâtre avec un cheval (Hate, Tentative de duo avec un cheval, ndlr) qui a eu sa première au Théâtre de Vidy, puis une tournée en Europe. C'est une pièce autour de l'écologie et du féminisme. Mon producteur, Lionel Baier, m'a dit: «si tu peux travailler avec un cheval dans une pièce, tu peux faire un film». Je ne m'en sentais pas capable. Ensuite, quelqu'un est venu me raconter un procès autour d'un chien qui avait déchiré une ville et créé polémiques, manifestations et pétitions. J'ai commencé à m'intéresser à la thématique. Quand les chiens avaient mordu, c'étaient les hommes qui payaient parce que le chien était assimilé à un bien.

Le Procès du chien
Laetitia Dosch dans le rôle d'Avril, l'avocate du chien Cosmos. © BANDE A PART FILMS - Le Procès du chien

On saisit le fil de votre intrigue…
Je découvre que certains cas sont allés jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme, qu'un chien a été tué en douce durant une nuit... Je me dis que le statut animal fait polémique, et que ça ne serait pas si compliqué de prouver que le chien n'est pas une chose. Et si l'avocate prouve ça, alors le juge peut dire: d'accord, on va faire le procès du chien parce que c'est possiblement un individu. Puis là, on part sur une dramédie qui parle de choses sérieuses avec un ton qui bouge.

Tout au long du film, vous maintenez le parallèle entre les droits des animaux et les droits des femmes.

Depuis des dizaines de milliers d’années, on modèle les chiens pour qu'ils deviennent nos compagnons parfaits. Et si je remplace chien par femme, je trouve que ça fonctionne aussi.

Donc, le film parle de la domination et comment on se sert d’un animal ou d’une personne le plus possible. C'est un film qui parle aussi beaucoup des exclus. Quand je suis arrivée à Lausanne, je trouvais qu'il y avait plein de personnages marginaux. On en retrouve dans mon film: le maître du chien, Dariush, joué par François Damiens, qui est à moitié aveugle, parle trop fort, porte des chaussures de montagne... Il y a cette avocate, Avril, qui a sa voix qui part en vrille, le guide canin, Marc, qui parle d’eux 24h/24, et le gamin voisin à la voix bizarre. J'ai un amour pour ces gens-là qui ne correspondent pas aux codes de la société, un peu comme ceux que l’on voit dans le cinéma américain des frères Coen.

La voix, parlons-en: dès qu’Avril s’adresse en public, sa voix déraille. On peut s’identifier en tant que femme… Un vrai sujet de société.
En tout cas, moi je me sens concernée. Effectivement, selon ses émotions, Avril n’arrive pas à contrôler sa voix, qui peut monter très haut dans les aigus. Elle cherche à avoir une voix grave, une voix d'homme. Pourtant ce n'est pas comme ça qu'elle va convaincre le juge (le procès se déroule au Tribunal fédéral de Lausanne, ndlr) qu’il faut sauver ce chien, mais en cherchant quelque chose qui se trouve en elle.

Laetitia Dosch dans le rôle d'Avril, l'avocate du chien Cosmos. © BANDE A PART FILMS - Le Procès du chien

En parlant de ressentis, il s’agit de votre première expérience de réalisatrice.
J'ai adoré ces quatre ans faits de boulots différents et de rencontres avec des gens très doués. J'ai suivi des bouquins de scénario, et j'ai adoré écrire, tourner. Les costumes, le travail avec le chef-op, les acteurs... ça a été très facile. En revanche, le montage a été très dur. Pendant un an, on est assise et on bouffe en s'angoissant! On peut faire 40 films différents avec le même matériel. Et puis après, il y a le travail avec le musicien, et puis l'étalonnage, on choisit les couleurs définitives du film, c'est instinctif.

Ça vous donne envie de renouveler l'opération?
Oui, j'aimerais bien avoir une autre idée de film. Je ne sais pas si c'est simple d'être uniquement réalisatrice, parce que c'est une place de pouvoir. Et je ne sais pas si c'est simple d’être uniquement actrice parce qu'on attend beaucoup des autres. Donc c'est bien de faire plusieurs choses. J'ai aussi envie de refaire du théâtre.

Que retrouve-t-on de Laetitia Dosch dans le rôle d’Avril?
Il y a une tradition de cinéastes qui jouent dans leurs films. Dernièrement, il y a par exemple l'actrice de la série Fleabag, Phoebe Waller-Bridge. Avec Avril, c'est comme si je faisais rentrer les gens dans ma tête. Je leur montre ce dont j'ai peur, ce qui me fait rire. J’ai évoqué la voix, mais il y a aussi l’idée qu'Avril est une femme de 40 ans, comme moi, qui est entre deux époques.

Depuis toute petite, j’ai toujours été éduquée à être choisie, par un homme, donc à ne pas draguer.

Avril, elle aussi, a été éduquée comme ça. C'est ce qu'on voit dans la première scène où elle ne contredit pas son collègue qui lui raconte sa vie sexuelle. Elle sait qu'elle est dans une époque post-Me Too, mais elle n'a pas trop compris comment en profiter un maximum.

Laetitia Dosch dans le rôle d'Avril, l'avocate du chien Cosmos. © BANDE A PART FILMS - Le Procès du chien

Et Lausanne comme lieu de tournage, une évidence?
J'habite Paris et Lausanne, entre les deux, mon cœur balance. L’idée de tourner ici vient des titres des faits-divers de manchettes. En Suisse, il y a de la visibilité pour une fromagerie qui prend feu. Alors qu'en France, c'est tellement la merde que ça ne passerait pas. J’ai imaginé une Une de journal qui dirait: «Le premier procès du chien depuis le Moyen Âge». Lausanne est aussi pour moi une terre de liberté. J'adore entendre toutes les langues en me baladant à Bel-Air, Montbenon ou la rue de l'Ale. J’ai filmé Lausanne comme un petit New York. J'ai un amour pour cette ville. J’ai casté des inconnu-e-s dans la rue, mais aussi des personnalités romandes: le directeur de l’Arsenic Patrick de Rham, le présentateur Jérémy Seydoux, le philosophe de l'écologie Dominique Bourg. On retrouve dans le film plein d'actrices et d’acteurs qui étaient en promo avec moi à la Manufacture, ou que j'ai eu après en cours.

La cause animale, mais aussi l’écologie sont des thèmes qui vous sont chers alors que vous avez tourné, en 2023, le drame climatique de Just Philippot, Acide, aux côtés de Guillaume Canet.
Et dernièrement Sauvages!, le nouveau film d'animation de Claude Barras (présenté à Locarno 2024, en salles le 16 octobre, ndlr). Je fais la voix de la chercheuse d’Extinction Rebellion. Avec Claude Barras, je partage le désir de vouloir inventer de la culture qui parle d'écologie ou du rapport aux autres espèces. C'est quelque chose qui nous obsède et qui nous booste. Travailler avec lui, des enfants, Benoît Poelvoorde… C'était génial.

Et en cette rentrée qui semble vous appartenir, vous êtes toujours à l’affiche du touchant Le roman de Jim, des frères Larrieu, aux côtés de Karim Leklou. Vous incarnez une femme jugée égoïste, en quête de liberté.
Je rêvais de tourner avec les frères Larrieu. J'ai essayé de défendre le personnage de Florence le plus que je pouvais. Le choix de cette mère va provoquer beaucoup de dommages. Ma maman m'a dit: «En voyant le film, ça m'a fait penser à des erreurs que j'ai faites avec toi». C'est un film sur les liens familiaux qui essaye de réconcilier les gens. On n'est pas là pour les juger, mais pour les comprendre.

Le Procès du chien, en salles le 11 septembre 2024.

Séances spéciales en présence de Laetitia Dosch. © DR

Bio express de Laetitia Dosch

  • 1ᵉʳ septembre 1980: Naissance à Paris.

  • 2013: Interprétation dans La Bataille de Solférino, première réalisation de la réalisatrice Oscarisée Justine Triet.

  • 2017: Interprétation dans Jeune Femme de Léonor Serraille, Caméra d'or du Festival de Cannes

  • 2023: Interprétation dans le drame climatique Acide de Just Philippot, aux côtés de Guillaume Canet, présenté au Festival de Cannes.

  • 14 août 2024: Sortie du film Le roman de Jim des frères Larrieu, présenté au Festival de Cannes.

  • 11 septembre 2024: Sortie de son premier film comme réalisatrice, Le Procès du chien.


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